BloguesVoix publique

Une commission cachée?

Hier soir, à Tout le monde en parle, le grand patron de l’Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, changeait sa position sur une commission d’enquête publique.

Voilà donc que l’auteur d’un rapport explosif (1) faisant état de collusion, de corruption et d’infiltration du crime organisé dans la construction, de financement occulte des partis politiques et d’un ministère des Transports vidé de son expertise et de son indépendance au profit du secteur privé, se contenterait maintenant d’une commission à huis clos

présidée par trois juges.

Bref, avec un huis clos – pour reprendre la «ligne» du gouvernement Charest expliquant son refus obstiné d’une enquête publique («les bandits, on veut pas les voir à la télévision, on veut les voir en prison!»), ce serait plutôt: «les bandits, on ne les verrait alors ni à la télévision, ni en prison, ni même en commission…».

La belle affaire.

Et ceci, selon l’ex-chef de police, serait une mesure appropriée pour le «moyen terme»?

Le moyen terme?

Cela fait pourtant déjà deux ans et demi qu’une vaste majorité de Québécois demandent une commission d’enquête publique et indépendante.

Qui plus est, qui sait combien de centaines de millions de dollars, voire de milliards de dollars en fonds publics, ont été dilapidés et détournés grâce à des pratiques illégales.

Or, à Ottawa, pour bien moins d’argent public encore, le gouvernement Martin avait mis sur pied une commission d’enquête publique sur le scandale des commandites.

Au Québec, la commission Cliche, entre autres, fut publique.

Aucune raison, donc, pour que les contribuables québécois, lesquels se font après tout voler, se contentent d’un huis clos où tout se ferait et se dirait aussi   loin du regard des contribuables.

Que François Legault se dise maintenant en accord avec une commission à huis clos montre également à quel point le «changement» qu’il dit incarner ressemble un tantinet à de la vieille politique.

Cybepresse rapporte aussi que le député de Québec solidaire, Amir Khadir, tout en demeurant en accord avec une commission d’enquête publique ultimement, considérerait qu’une commission à huis clos pourrait être une «étape intermédiaire» et «contribuer à identifier les acteurs à l’oeuvre dans un système de collusion».

Cité sur Cyberpresse, Amir Khadir dit craindre que l’on cède à la «tentation de se concentrer sur la recherche de coupables» alors que l’important est de «mettre à jour un système afin qu’il ne puisse plus fonctionner, ce que seule une enquête publique permettrait».

Or, on voit mal comment un processus à huis clos pourrait identifier des «acteurs à l’oeuvre dans un système de collusion» – surtout les plus puissants et les plus influents d’entre eux.

D’autant plus qu’au moment même où le gouvernement s’apprête à dépenser des dizaines de milliards en infrastructures de toutes sortes, les intérêts financiers en jeu pour ces mêmes «acteurs» sont tout simplement énormes.

Bref, les montants et les principes dont on parle ici sont trop importants pour que l’on abandonne la recherche de coupables.

Après tout, l’enjeu n’est-il pas l’intégrité même de l’État, la gestion des fonds publics et donc, la protection du bien commun?

Mais en attendant, la saga se déplacera demain à Québec alors que M. Duchesneau sera entendu en commission parlementaire.

Diffusé en direct, on verra si ce témoignage saura calmer la colère qui gronde dans la population depuis quelques années.

Prédiction facile dans les circonstances: cela n’y fera rien.

Et donc, à cet égard, la manifestation de ce samedi organisée par le Mouvement du 24 septembre, risque de se répéter dans les prochaines mois… et peut-être même, qui sait, jusqu’à la prochaine élection générale.

(1) Lorsque je parle d’un rapport «explosif», pour l’avoir lu très attentivement, je peux vous dire que le mot est particulièrement juste…