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Au-delà du «cas» Tomassi

Hormis l’incontournable présomption d’innocence, les trois chefs d’accusation portés contre Tony Tomassi – le député de La Fontaine et ex-ministre de la Famille – dont les principaux sont la fraude contre le gouvernement et l’abus de confiance – soulèvent une question de fond.

À savoir si ses agissements présumés; le fait qu’il soit le fils d’un organisateur et collecteur de fonds libéral important; qu’il ait été nommé ministre par le premier ministre malgré son absence évidente de compétences même minimales – tout cela ne fait pas partie d’une culture politique de copinage et de retours d’ascenseur qui semble avoir effectué un retour fracassant au sein d’une partie de la classe politique? Au municipal et au provincial, dont tout particulièrement, semble-t-il, à ce dernier palier, au PLQ.

N’est-ce pas ce que les Québécois avaient déjà appris en suivant les audiences de la commission Bastarache alors qu’on y faisait état de la présence et de l’influence répétées de gros baîlleurs de fonds libéraux jusque dans le bureau du premier ministre?

Question d’apposer les «bons» post-its identifiant l’allégeance libérale de candidats pour des centaines de postes…

Ce qui, de toute évidence, constitue une des raisons expliquant le refus du premier ministre d’instituer une commission d’enquête PUBLIQUE, laquelle ne pourrait pas ignorer ce lien entre octroi de contrats publics, collectes  partisanes de fonds, «récompenses» et «avantages» échangés entre le privé et le public, etc…

Le «cas» Tomassi est une chose. Et qu’il démissionne ou non, le problème demeure celui d’une culture politique qui commence sérieusement à rappeler celle que John Gomery qualifiait à la fin de sa commission comme étant celle du «tout m’est dû».

Rappelons, dans un autre contexte, le «cas» Whissell:

En 2009, «aux prises avec la controverse entourant l’attribution de contrats gouvernementaux à une entreprise dans laquelle il détient des actifs, David Whissell» démissionnait de son poste de ministre du Travail.

«Le ministre Whissell a dû répondre à plusieurs questions à la suite des révélations de Radio-Canada concernant deux contrats d’asphaltage attribués sans appel d’offres à ABC Rive-Nord par Transport Québec. Ces contrats concernaient des travaux qui devaient être réalisés dans la circonscription représentée par M. Whissell à l’Assemblée nationale.» Source: http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2009/09/09/003-whissell-demission.shtml

Sans qu’il y ait eu fraude ou acte criminel- et l’ancien ministre avait mis ses parts en fiducie -, il reste que ce cas illustrait une culture politique où un tel état de fait était vu et reçu jusque-là au gouvernement comme ne posant aucun problème.

De retour au «cas» Tomassi.

Dans Le Devoir de ce matin, on pouvait trouver plusieurs morceaux du puzzle de cette même culture politique: http://www.ledevoir.com/politique/quebec/333402/l-upac-aux-portes-de-la-classe-politique

Mais c’est en lisant cet autre article, datant d’avril 2011, que le «cas» Tomassi montre toute sa complexité, incluant de possibles liens entre le fameux propriétaire de l’agence de sécurité BCIA par qui le scandale est venu – Luigi Coretti – et au moins deux autres acteurs politiques qui, au cours de la dernière année, ont démissionné pour des raisons personnelles: http://www.ledevoir.com/politique/montreal/321337/le-cas-delorme-soumis-a-la-grc

Et sa suite: http://www.ledevoir.com/societe/justice/321410/yvan-delorme-nie-faire-l-objet-d-une-enquete

http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/michele-ouimet/201006/05/01-4287138-le-courage-dyvan-delorme.php

Bref, sans présumer d’une culpabilité quelconque des acteurs politiques mentionnés dans ces deux articles, on comprendra qu’au-delà du «cas» Tomassi, cette histoire est loin d’être terminée. Les démissions surprenantes qui avaient suivi les révélations des médias sur BCIA, Coretti et Tomassi, laissant encore songeur.

Surtout, au fin fond de cette histoire, on risque fort de revenir au problème originel qu’avait déjà commencé à exposer Me Marc Bellemare à la commission Bastarache: le retour du pouvoir de l’argent et des intérêts privés dans la gestion des affaires de l’État.

Addendum: ces données sur le «cas» BCIA: http://www.cbc.ca/news/canada/montreal/story/2010/05/27/mtl-bcia-bankruptcy.html