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Des «niaiseries»…

Ce vendredi, Pauline Marois a accordé une entrevue fort attendue à Jean-Luc Mongrain sur les ondes de LCN.

Affirmant qu’elle entend rester et qu’elle ne se laissera pas faire par ceux, dit-elle, qui tentent de la «tasser» – la chef péquiste refuse néanmoins toute responsabilité pour la crise au sein de son parti et du caucus. Même chose pour la chute du PQ dans les sondages.

Elle blâme une «minorité» de députés mécontents, les démissionnaires de juin dernier. Sans compter les «chicanes» sur la place publique portant sur des débats qui, selon elle, «sont souvent sur des niaiseries».

Comme l’écrivait Molière: «Ah! Qu’en termes galants ces choses-là sont mises»…

Par contre, pas un mot sur la genèse de la crise, sur les causes de ces départs, de ce mécontentement et de débats que plusieurs au PQ considèrent plutôt comme des désaccords de fond. Et non des «niaiseries». Dont, entre autres, sur la stratégie de «gouvernance souverainiste» et le projet de loi 204 sur l’amphithéâtre de Québec.

La seule mention faite dans l’entrevue quant à d’autres causes possibles de la crise va à l’éclatement du Bloc et François Legault.

Pour stopper la fronde, Mme Marois se dit même prête à montrer la porte aux prochains députés qui lèveront la main pour critiquer son leadership ou le programme.

À Jean-Luc Mongrain, qui lui dit que si dans sa propre équipe, on ne voulait plus travailler avec lui, il leur ferait une «offre» du genre «sacrez votre camp parce que, moi, je suis là!», Mme Marois dit alors: «j’en suis là, Monsieur Mongrain».

Puis l’animateur de lui demander quand elle va rentrer au caucus pour dire «toi, toi, toi et toi, vous pensez que vous avez le courage de parler (…) bye, bye. J’ai pas besoin de vous autres!».

Et Mme Marois de lui répondre: «je vais faire ça dès que quelqu’un va relever la main pour dire tu passes pas, pis ça marche pas, pis faudrait adopter telle affaire différente (…)».

La chef du PQ serait-elle en train de confondre «autorité» légitime d’un chef avec faire l’«autoritaire»?

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Le syndrome de la victime

Ce qui nous amène à un phénomène politique fort particulier.

Ce phénomène étant celui-ci: chaque chef du PQ, à l’exception d’un, ont fini par souffrir du syndrome de la victime. Ou plus précisément: «vicime» de son propre parti.

Ce phénomène est essentiellement attribuable à trois facteurs.

Primo: un parti dont la marque originelle était d’être un parti d’idées et de débats. Et ce même si, depuis le dernier référendum, les grands débats s’y font plus discrets, plus «encadrés» et que le PQ est devenu, lui aussi, un parti de pouvoir. Or, les chefs tendent à louanger cet aspect de la culture péquiste… jusqu’à ce que les débats expriment des désaccords de fond avec certaines de leurs positions.

Secundo: la «bulle» des chefs. En temps de tempête, la bulle dans laquelle fonctionnent la plupart des chefs et leur entourage dans la plupart des partis tend à devenir opaque. Il y devient très difficile de voir à l’extérieur de la bulle. Au PQ, si la tempête vient de l’intérieur, il arrive invariablement un moment où dans cette même bulle, on se répète à quel point on est victime de quelque chose comme un parti qui n’a pas de bon sens, un parti ingouvernable, etc…

Tertio: ce qui tend à braquer les chefs encore plus contre leur parti…

Résultat: le chef finit par blâmer son parti. Ce qui, souvent, l’empêche de faire une analyse plus objective, plus froide, de sa propre part de responsabilité quant à la crise interne du moment.

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«Ça s’arrête avec moi!»

Dans cette entrevue, Mme Marois alimente d’ailleurs elle-même cette image d’un PQ parti-mangeur-de-chefs.

Et elle le fait en se livrant à un exercice de rappel historique marqué au passage de quelques oublis.

Ainsi, affirmant que ce genre de fronde s’arrêterait à elle, elle dit:

«J‘ai vu des chefs avant moi quitter. Lévesque a quitté suite à des chicanes. On a vu Pierre-Marc, notre ami Lucien, qui a été un peu poussé, on s’en souviendra, Bernard, André.»

«Alors, je vais vous dire une chose: ça va s’arrêter à moi. À partir d’aujourd’hui. (…) Moi, je vais reprendre le contrôle. Faut mettre derrière nous la chicane.»

Encore une fois, le syndrome de la victime.

Or, René Lévesque a quitté en fin de deuxième mandat. «Poussé» certes. Mais pourquoi?

En bonne partie parce que suite au rapatriement unilatéral de la constitution par Pierre Trudeau, M. Lévesque allait accepter l’invitation du nouveau premier ministre fédéral, Brian Mulroney, de tenter ce qu’il a appelé le «beau risque» du fédéralisme renouvelé.

Ce qui avait provoqué la démission fracassante de plusieurs de ses ministres. Et non les moindres. Dont Camille Laurin et Jacques Parizeau. Donc, si «chicanes» il y a eu, les causes en étaient drôlement importantes.

Pierre-Marc Johnson a également dû partir. Lui aussi, pour avoir mis de côté le fameux article 1 du PQ avec sa doctrine autonomiste d’«affirmation nationale».

Et Lucien Bouchard? En 2001, il ne fut «poussé» en rien. Sa démission arriva à la suite de la non moins fameuse «affaire Michaud» – laquelle s’avéra lui offrir un fort joli prétexte pour quitter. Ce que toute évidence, il voulait faire.

Et Bernard Landry? Il a quitté suite à un vote de confiance de 76% après qu’il ait eu affirmé lui-même avant le congrès de 2005 – un peu trop sûr de lui -, qu’il quitterait s’il obtenait moins de 80%.

Et André Boisclair? Une victime de son parti? Pas vraiment. La raison: il sortait d’une élection générale catastrophique où le PQ venait de perdre même son statut d’opposition officielle. N’importe quel chef de n’importe quel parti aurait quitté sous des circonstances similaires.

Mais pas un mot, par contre, sur Jacques Parizeau… Lequel quitta au lendemain du référendum pour les raisons que l’on sait, mais qui, du temps où il était chef, n’avait pas eu à subir de fronde de l’intérieur de son parti.

Pourquoi? Parce que son discours et ses actions sur l’option de son parti étaient clairs.

Et c’est ainsi, pour reprendre une expression chère à François Legault, que M. Parizeau – aimé ou non, populaire ou non, au sommet des sondages ou non -, réussissait à «coaliser» toutes les factions du PQ.

La vraie leçon d’histoire, elle est peut-être là.

Maintenant, pour la suite…

Il restera à voir comment réagiront ceux dont les débats et questionnements viennent d’être qualifiés de «niaiseries».

Ou comment ils répondront à l’appel de Mme Marois de cesser des débats qui, selon elle, «sont souvent sur des niaiseries» et d’«arrêter de s’épivarder sur la place publique sans arrêt.» À suivre.

Car si, sur le coup, certains y verront un bel exercice de «reprise de contrôle» par une chef qui «hausse le ton», les conséquences d’un tel discours derrière les portes closes du caucus et du parti risquent, elles, d’être moins plaisantes à moyen terme.

La véritable autorité d’un chef se mérite et s’exerce à son mieux au sein de ses troupes.

Lorsqu’il faut le faire par médias interposés pour tenter tout au moins d’en convaincre l’opinion publique, c’est que la crise est loin d’être terminée.

Surtout si le PQ ne réussit pas à remonter la pente dans les semaines qui vont suivre la création officielle du nouveau parti de François Legault et Charles Sirois.

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 En extra : ma participation à la Bourse de l’actualité à l’émission Samedi et rien d’autre sur les ondes de la Première chaîne avec mon collègue Antoine Robitaille : http://www.radio-canada.ca/emissions/samedi_dimanche/2011-2012/chronique.asp?idChronique=183825

Incluant les sujets : Pauline Marois, Jean-Marc Fournier, les «Indignés» de Québec, l’invisible et inaudible juge France Charbonneau.