En vue du conseil national du Parti québécois prévu pour le mois de janvier, Pauline Marois présentera une série de propositions visant à «changer la politique». L’expression «faire de la politique autrement» – flottant dans l’air du temps -, venant à l’esprit…
Ces propositions sont certes le fruit du travail de certains députés – lesquels s’inquiètent sincèrement de l’état actuel de la politique au Québec -, mais leur acceptation par leur chef est surtout le reflet d’une recherche pour de «nouveaux» messages que pourrait porter un PQ fortement malmené dans les sondages.
Reprenons-en la liste:
- La mise en place d’un gouvernement ouvert et interactif;
- Le portrait des finances publiques six mois avant les élections à date fixe;
- La tenue régulière d’assemblées publiques par les députés;
- L’évaluation annuelle des engagements électoraux du parti au pouvoir;
- L’encadrement des nominations du gouvernement;
- Les référendums d’initiative populaire;
- Une consultation populaire sur les référendums;
- La décentralisation pour renforcer les régions;
- Une chambre des régions;
- La création d’une commission sur les institutions parlementaires et électorales;
- L’étude d’un système électoral uninominal à deux tours;
- Le vote des étudiants;
- L’abaissement de l’âge légal pour voter à 16 ans.
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Planifiant de revenir plus tard sur certaines de ses propositions, j’avais par ailleurs commencé à préparer mon analyse.
Or, en lisant Le Devoir de samedi, ce texte du professeur Joseph Yvon Thériault, la politologue en moi y ai retrouvé les grandes lignes de ma propre réflexion… à quelques détails près! Ce que j’ai immédiatement communiqué au professeur Thériault en l’informant que je posterais son texte avec plaisir sur mon blogue.
Donc, à lire.
Un élément important de réflexion dans cette recherche pour une politique «autrement».
Je reviendrai par ailleurs moi-même sur ce sujet dont l’actualité est appelée à demeurer entière…
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Voici le texte en question:
«Faire de la politique autrement.» C’était le souhait de Louise Beaudoin au moment d’expliquer sa démission du caucus du Parti québécois. C’est aussi l’objectif que se sont donné les députés Bernard Drainville et Sylvain Pagé dans des propositions présentées aux instances de leur parti. Toutes ces propositions vont étonnamment dans le même sens: revaloriser la parole citoyenne, réformer les institutions démocratiques, limiter le pouvoir des élus.
Comme si «faire de la politique autrement» exigeait de modifier le contenant plutôt que le contenu. On pourrait peut-être expliquer cet engouement par la crise du souverainisme. Dans les dernières années, plus le projet souverainiste s’est étiolé, plus les souverainistes ont délaissé la substance pour la forme: la nation civique, les questions éthiques et maintenant la réforme démocratique.
S’il y a là une part d’explication, elle est cependant insuffisante. En effet, l’intérêt pour la transformation des institutions de la démocratie représentative dépasse largement la mouvance souverainiste. Un tel intérêt est à l’ordre du jour de tous les mouvements altermondialistes des trente dernières années; la jeunesse est séduite et la gauche radicale la porte.
La démocratie contre la politique
Pour bien comprendre cette nouvelle passion, distinguons d’abord politique et démocratie. La politique est l’activité par laquelle les hommes et les femmes, à travers la diversité des intérêts, des opinions et des passions qui les opposent, s’organisent pour ordonnancer la société. La démocratie veut que ce travail de la société sur elle-même soit l’oeuvre d’un «gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple». Autrement dit, la politique est le travail d’organisation du pouvoir, la démocratie, l’idée que ce pouvoir appartient au peuple.
Les démocraties modernes veulent lier politique et démocratie, mais cela ne va pas de soi. Jusqu’aux grandes révolutions modernes, il était convenu que la démocratie empêchait l’activité de gouvernement. La trop grande multiplicité des intérêts, l’ignorance des masses qui fonctionneraient à la passion davantage qu’à la raison, tout cela rendait la démocratie incompatible avec la politique.
Pour que politique et démocratie se rencontrent, il a fallu rompre avec l’idée d’une démocratie exercée directement. Impolitique, cette dernière se révèle impuissante. Pour la rendre opérante, il a fallu inventer la représentation, créer un ensemble de médiations et d’institutions (représentants, partis politiques, Parlements, etc.) par lesquelles la volonté populaire se transforme en gouvernement. Ces médiations sont le moment politique de la démocratie. Rappelons-en quelques-unes, que l’on remet aujourd’hui en question, pour rappeler leur caractère politique.
Des médiations nécessaires
– Les partis politiques. Ils opèrent comme des réducteurs et des agrégateurs de pluralité. Ils rendent lisible le choix des électeurs. Que serait une élection si nous n’avions pas devant nous des options qui présupposent le choix des électeurs? Elle se réduirait à la popularité, l’authenticité, la probité du candidat. Les grandes distinctions gauche/droite, souverainisme/fédéralisme, ou d’autres encore, sont des balises par lesquelles les choix politiques sont rendus lisibles.
– La représentation. L’élu représente les intérêts de ses électeurs immédiats, les intérêts de son parti politique, les intérêts «politiques» de la nation. Aucune de ces fonctions n’est figée dans le temps. Pour qu’il y ait politique, il faut que le représentant ait la liberté de s’ajuster à la conjoncture politique, de modifier ses opinions, d’interpréter en notre nom l’intérêt politique du moment. La politique exige donc que nous acceptions, pour un temps, de déléguer notre autonomie.
– La stabilité politique. Pour que l’art de gouverner fasse bon ménage avec la volatilité des opinions, la démocratie politique moderne a introduit des balises donnant temporairement le pouvoir à une majorité. Les régimes parlementaires de type britannique sont certainement ceux qui vont le plus loin dans cette prime aux vainqueurs.
On peut souhaiter diminuer cette prime en dissociant l’exécutif et le législatif. Ou encore en modifiant le système électoral pour augmenter le pluralisme et forcer des coalitions. Ce qui peut être souhaitable. Mais soyons conscients que de telles modifications conduisent à un affaiblissement de la capacité d’agir des gouvernements. Par exemple, le Parti québécois, élu avec 41 % des votes en 1976, n’aurait jamais pu réaliser son référendum s’il avait été opposé à un chef de gouvernement de type présidentiel, fort probablement fédéraliste, et contraint de gouverner en coalition avec l’Union nationale.
Les coalitions élargissent les assises du pouvoir tout en rendant moins lisibles les affrontements politiques. Quand elles maintiennent les grandes divisions politiques, cela se fait souvent en transférant la «prime» aux petits partis radicaux, comme en Israël. Elles ont aussi l’effet paradoxal de donner aux élites des partis le pouvoir ultime de définir le programme de gouvernement.
L’impolitique
L’engouement actuel pour la forme au détriment du contenu privilégie donc la démocratie au détriment du politique. En effet, l’essentiel des propositions pour un renouveau de la démocratie part d’une volonté de donner le pouvoir aux citoyens et d’en enlever aux institutions représentatives.
Il y a une culture de méfiance envers la politique. Ainsi en est-il des référendums d’initiatives populaires, où même la question de la souveraineté devrait être soutirée de la responsabilité des élus et transférée à un pouvoir citoyen. Si les partis constitués en Parlement ne sont plus les instigateurs de tels processus, qui en seront les principaux acteurs? Le rappel des députés, les comités de surveillance des débats parlementaires, l’élection du premier ministre séparément de la chambre des députés, la multiplication des agences de contrôle, des commissions d’enquête, etc., visent tous à enlever du pouvoir aux élus. Ce sont des propositions antipolitiques.
Ce qui vient de se passer en Grèce et en Italie, où ce sont des technocrates élevés dans le giron de Goldman Sachs qui ont pris en charge les affaires de l’État, est révélateur à cet égard. Le nouveau premier ministre italien, Mario Monti, déclarait même que «l’absence de représentants des partis facilitera plutôt l’action gouvernementale». Comme si la politique était un obstacle à l’exercice de la démocratie.
On ne voit nulle proposition pour amener les partis politiques à être de véritables lieux de débats qui se répercuteraient dans le forum citoyen qu’est l’Assemblée nationale. On assiste plutôt à une attaque en règle contre la partisanerie. Sylvain Pagé, le député qui n’applaudit pas, propose d’asseoir les députés en ordre alphabétique pour rendre invisible leur adhésion partisane. Et avec le vote libre des députés — ce qui a toujours été permis, mais de grâce n’en faisons pas une règle —, l’illisibilité du politique s’accentuerait.
Le populisme
Cette peur du politique était historiquement associée à la droite. Aujourd’hui, cette méfiance s’est campée à gauche. C’est au nom de la capacité du citoyen à se gouverner lui-même que les institutions de la démocratie représentative sont perçues comme usurpatrices du pouvoir citoyen. La démocratie s’impose contre la politique, au risque de rendre inopérante l’idée du gouvernement des hommes. Un nouveau populisme naît.
Il y a lieu de reprendre ce vieil adage populaire: «Le remède pourrait tuer le patient.» En effet, «faire de la politique autrement» pourrait bien signifier tuer la politique comme opérateur du pouvoir. C’est ce qui est arrivé à Louise Beaudoin et Pierre Curzi qui, en voulant «faire de la politique autrement», se sont plutôt éjectés d’une prise réelle sur la politique.
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Ce texte est une version abrégée d’une présentation faite au Collectif pour le renouvellement de la social-démocratie.
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« Ajouter un 2e tour au mode de scrutin majoritaire actuel ne représente pas la « proposition musclée » que madame Marois annonce »
Le Mouvement pour une démocratie nouvelle considère que le PQ fait preuve de mollesse en matière de réforme du mode de scrutin. Non seulement le document soumis aux membres propose une énième consultation, mais le PQ se contenterait de l’ajout d’un deuxième tour
au mode de scrutin majoritaire actuel. Ce changement ne permettrait pas le respect proportionnel des votes, ni le respect du pluralisme politique présent dans la société.
Pour justifier ce recul face aux positions qu’il avait maintenu, de sa création jusqu’au printemps 2011, le document du PQ affirme, sans aucune démonstration, que le cadre fédéral actuel empêcherait le Québec de modifier son mode de scrutin. Cette affirmation ne tient pas la route et plusieurs personnalités souverainistes en conviennent, ainsi qu’il a été possible de le constater le 7 novembre dernier dans une rencontre organisée par les Intellectuels pour la souveraineté
(IPSO).
L’Île-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario ont mené divers processus de consultation, parlementaires et référendaires, sans jamais être bloqués par le
« cadre fédéral », pourquoi en serait-il autrement dans le cas du Québec? D’autant plus que la réforme du mode de scrutin a aussi été examinée par plusieurs comités et commissions royales, sans
jamais invoquer le risque d’un problème constitutionnel. En 2004, la Commission du Droit du Canada a même proposé un modèle mixte compensatoire pour le Canada, fixant son choix en fonction
d’objectifs démocratiques, et non en fonction de la recevabilité constitutionnelle d’un modèle face à un autre.
L’intérêt du PQ pour la « capacité du système à élire des gouvernements majoritaires » est évident. Le PQ fait cependant un pari très risqué à cet égard, car les majorités dont il est
question sont des leurres. Comment le PQ pense-t-il gagner un référendum sur la souveraineté s’il n’a été élu que par 35%-40% de l’électorat? Un gouvernement de coalition lui rendrait énormément
plus service qu’une fausse majorité, tant avant, pendant et après une campagne référendaire sur la souveraineté.
Le mode de scrutin actuel doit être remplacé, que le Québec demeure ou non dans le Canada, et il doit l’être par un système à finalité proportionnelle, ce que le mode de scrutin mixte compensatoire permet de faire, tout en maintenant une partie de la représentation sur la base des circonscriptions. Ce mode de scrutin mixte est celui qui a été le plus étudié au Québec et qui a le plus de chance d’être mis en place. Le MDN demande au PQ d’expliquer qu’il n’écoutera pas les
milliers de personnes et d’organisations qui sont intervenus, lors de consultations et d’actions, de la Commission initiée par René Lévesque et Robert Burns en 1979 jusqu’à la campagne Solution
démocratique du Mouvement pour une démocratie nouvelle. Cette campagne illustre la force du consensus par l’ampleur du soutien qu’elle recueille déjà, mais aussi parce qu’elle contient les
demandes citoyennes exprimées lors de la dernière consultation d’envergure (2004-2005), demandes qui furent aussi validées par le DGEQ en 2007.
Dans ce domaine, les embûches sont toujours politiques et non pas constitutionnelles et la présente manœuvre du PQ en est une autre démonstration. Les réflexions et débats des derniers mois, internes et parallèles au caucus péquiste, semblent s’être évaporés. Les membres du PQ ont heureusement le pouvoir et la responsabilité de ramener leur parti à l’ordre d’ici à janvier 2012.
Conseil d’administration du Mouvement pour une démocratie nouvelle
****« Saisissons l’occasion: signons la proposition d’un nouveau mode de scrutin »
http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/actions
SOLUTION DÉMOCRATIQUE est appuyée par plus de 650 personnes et organisations regroupant plus d’un
million de personnes!
**Le MDN est un mouvement citoyen non partisan qui s’emploie à ce que le Québec ait mode de
scrutin à finalité proportionnelle, respectueux de la volonté populaire, permettant une
représentation égale entre les femmes et les hommes, incarnant la diversité ethnoculturelle
québécoise ainsi que le pluralisme politique, et attribuant une juste place aux régions. Il aide
la population à revendiquer des résultats démocratiques. Adhérez au MDN (ind. et org.) et
soutenez-le.
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http://www.facebook.com/DemocratieNouvelle
Twitter @MDNInfo : http://twitter.com/#!/MDNinfo
**Adresse postale: 1601 av. De Lorimier – Montréal (Québec) – H2K 4M5
De la génération du « Tout le monde le fait: fais-le donc! » à celle du « Tasse-toi mon oncle! ».
Deux vieux slogans publicitaires (l’un provenant d’une station de radio bien connue à l’époque: CKAC en ’70 environ, puis le second d’une marque de voiture) marquant bien l’évolution entre deux générations depuis les années ’70 vers l’individualisme que nous vivons actuellement.
Dans la démission du geste démocratique soit de l’action politique directe mais surtout par l’acte de voter; nous récoltons ce que nous constatons. La suite étant possiblement une gouvernance d’oligarques, administrés par des technocrates de haut niveau vers laquelle nous nous dirigeons. L’Italie semble être un bon exemple de l’embryogenèse d’états autoritaires, toujours à la recherche de son sauveur ou « Duce ». Ici, c’est plus complexe, car le Canada est peut-être une sorte de vrai « pays inventé »* fruit d’un postcolonialisme plus ou moins accommodant.
*Allusion à la récente déclaration, évidemment fort discutable, de Newt Gingritch concernant la Palestine
Le droit de vote à 16 ans. Quelle idiotie.
J’aurais plus de respect pour le droit de vote à 25 ans révolus pour les hommes et 23 ans pour les femmes. A qui servent les découvertes scientifiques sur le fonctionnement du cerveau?
C’est n’importe quoi.
» L’engouement actuel pour la forme au détriment du contenu privilégie donc la démocratie au détriment du politique. »
Sauf exception, dans tous les pays ayant adopté le régime parlementaire britannique et le mode de scrutin uninominal à un tour, les gouvernements sont formés par des partis politiques ayant récolté moins de 50% des suffrages lors des élections.
Oui, le mode de scrutin doit répondre à l’objectif premier de la démocratie étant le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Alors seule une coalition de partis politiques peut répondre au fondement même de la démocratie lorsque qu’un seul parti ne peut recueillir l’appui d’une majorité absolue des suffrages (50%0 lors d’une élection générale. Seul un mode de scrutin répartissant les sièges proportionnellement au suffrage obtenu par chaque parti peut assurer que le politique soit service de la démocratie et non l’inverse. Avec la proportionnelle jamais une organisation de magouilleurs pourraient prendre la pouvoir d’un État comme c’est le cas depuis 8 ans au Québec.
Un des premiers obstacles à l’exercice démocratique de la politique est la présence toujours plus envahissante d’organisation non démocratique qui viennent influencer, voire même entraver l’expression démocratique des citoyens. Je pointe ici spécialement les organismes de notations, les spéculateurs milliardaires capables, en un coup de téléphone ou un simple SMS, de faire tomber un gouvernement légitimement élu si ce dernier ne se soumets pas à leurs dictats. La Grèce est bien une illustration de la force de ces entités extérieures qui prennent littéralement la démocratie en otage. Évidemment le cas de la Grèce est très boiteux en ce sens que ce pays aurait probablement camoufler sa vraie situation financière au moment de son adhésion à l’UE.
Une sous question au paragraphe précédent est : qui sont les personnes qui mènent ces agences de notations ? Quel est leur CV ? Quelles sont leurs accointances avec le monde da la finance ? Qui les paie ? Une bonne enquête en profondeur sur ces sujets serait bienvenue.
Un autre obstacle à l’intérêt que peuvent avoir les citoyens envers la politique est le sentiment réel de leur impuissance objective à influencer un parti majoritaire au pouvoir entre deux élections. Que peuvent faire les Québécois pour contrer les méfaits de Harper ou les marche-arrière répétitives de Charest. Ultimement la seule solution c’est de prendre notre mal en patience et d’attendre que le temps passe. Belle démocratie.
Il me semble qu’il devrait y avoir des moyens, des mécanismes pour permettre aux citoyens d’avoir un impact entre les élections. Même avec ses gros défauts le principe du vote libre sur des projets de loi pourrait être envisagé sérieusement et étudié. Cette approche obligerait les caucus des partis à négocier de l’intérieur même les conditions attachées à certains types de projets de loi. On ne devrait pas rejeter en bloc cette hypothèse de travail.
Le financement des partis politiques est aussi une autre avenue de réflexion. Aux USA, seuls les organisations milliardaires sont capables de présenter des candidats aux élections présidentielles. Ce que veut faire Harper en coupant les subventions aux partis politiques se dirige directement vers ce modèle répugnant.
Évidemment la proportionnalité est une voie royale. Mais il faudrait éviter le modèle israélien où les très petits partis politiques peuvent prendre en otage tout le système politique du pays.
On le voit les hypothèses de travail sont excessivement nombreuses et recèlent chacune des avantages et des dangers.