BloguesVoix publique

Duceppe-Marois: un combat à finir?

 

À huit jours de l’ouverture du prochain conseil national du PQ, la question du leadership de Pauline Marois a pris le dessus sur tout. Incluant sur la question de sa «gouvernance souverainiste»…

Depuis quelques jours, les sorties se multiplient. Et ça va dans toutes les directions.

En partant de la sortie dramatique du député Bernard Draiville dans Le Devoir de samedi avertissant que le PQ pourrait disparaître sans une alliance stratégique avec, entre autres, Québec solidaire et Option nationale de Jean-Martin Aussant. Et en passant par les appels clairs et précis du SPQLibre à la démission de Mme Marois et son remplacement par Gilles Duceppe.

Cette «alliance», la chef péquiste l’a pourtant rejetée pendant des mois, laissant récemment sortir que des approches, fort informelles par ailleurs, auraient été faites dans ce sens depuis quelques semaines. Sans résultat, bien sûr.

Or, à force de ne rien faire, la «fenêtre» de ce genre d’alliance stratégique risque fort d’être maintenant fermée. À QS, voudra-t-on vraiment s’associer à un PQ en crise perpétuelle? À suivre. Et au PQ, voudra-t-on céder des comtés à des candidats de QS alors qu’on est menacé de décapitation?

Au PQ, on entend parler de putsch appréhendé, d’associations de comtés en furie et même, d’un possible nouveau vote de confiance enver la chef lors du conseil national en question.

Ouf. La cour péquiste est pleine.

Le tout, sur un fond de «mise en disponibilité» soudaine de l’ex-chef bloquiste Gilles Duceppe par son entourage… au cas où le poste de Mme Marois devenait vacant tout à coup.

 ***

Une crise qui perdure…

Dans cette crise qui perdure en fait depuis juin 2011, alors que les démissions commençaient à se multiplier dans le caucus péquiste, une seule constante: Pauline Marois refuse de partir.

Ce vendredi, elle annoncerait même la candidature de Daniel Breton, un écologiste respecté et ex-candidat du NPD. Ironiquement, d’aucuns noteront aussi que le PQ et le Bloc n’ont cessé depuis le 2 mai 2011 de critiquer QS pour avoir appuyé le NPD au fédéral…

***

Un combat à finir?

Ce n’est donc  plus à des débats d’idées – du genre pour ou contre la «gouvernance souverainiste» de Mme Marois -, auxquels on assiste, mais plutôt à quelque chose qui commence drôlement à ressembler à un combat à finir entre Mme Marois et M. Duceppe. Par entourages, médias, députés et rumeurs interposés.

Mais pas seulement cela…

D’une part, deux camps semblent se dessiner de plus en plus clairement au PQ et dans le mouvement souverainiste: les pro-Duceppe et les anti-Duceppe. Point. Rien de mieux en politique pour coaliser des gens aux intérêts et ambitions divergents qu’une cible commune…

Car à vrai dire, dans le second camp, on semble y être nettement plus anti-Duceppe que pro-Marois en tant que chef «rêvée».

Au point où il serait plus juste de parler en termes d’un mouvement ABD Anybody But Duceppe.

La question devenant: ce mouvement ABD risque-t-il de devenir, en quelque sorte, la bouée de sauvetage de Pauline Marois au prochain conseil national?

Car du point de vue des anti-Duceppe – incluant ceux qui, dans les faits, sont fort déçus de Mme Marois -, cette dernière, parce qu’elle est déjà en place, devient pour eux, comment dire, un pis aller, un moindre mal. Voire la seule capable de «bloquer» le chemin à l’ex-chef bloquiste – ironiquement lui-même le seul, du moins selon les sondages, capable d’ébranler la CAQ et le PLQ.

Mme Marois devient en quelque sorte le bouclier politique des anti-Duceppe.

Comme disent les Anglais: «politics makes for strange bedfellows». Incluant dans un même parti! En français, ça s’appelle avoir des «alliés objectifs»…

Restera à voir si Mme Marois passera en effet ou non à travers ce conseil national.

Mais pour les anti-Duceppe, appuyer tactiquement Mme Marois au moment où M. Duceppe devient disponible, empêcherait aussi le PQ de tomber dans une course au leadership qui s’annoncerait féroce dans l’éventualité où Mme Marois quitterait avant l’élection générale.

Et donc, dans ces anti-Duceppe – récents ou de longue date -, on compte certains qui, on ne s’en surprendra guère, ont de bonnes chances d’avoir leurs propres ambitions de chefferie éventuelle. Ce que l’arrivée de l’ex-chef bloquiste à la tête du PQ rendrait bien évidemment impossible à réaliser, que ce soit à court ou moyen terme.

Tandis que si Mme Marois reste jusqu’à l’élection, ceux qui ambitionnent dans les faits de lui succéder auraient alors leur opportunité dans une course au leadership post-électorale. Dépendant, bien sûr, de combien de morceaux il resterait alors à diriger…

Ainsi, un Bernard Drainville qui, il y a à peine quelques jours, sonnait l’alarme de la disparition possible du PQ (pas tout à fait un compliment pour sa chef actuelle), semble tout à coup pas mal moins pressé d’acheter la pierre tombale pour son parti. Et encore moins, pour sa chef.

On pense aussi à l’ex-député péquiste et indépendant Pierre Curzi. Il n’a jamais caché son ambition de tenter un jour de diriger le PQ.

On pense aussi à un Jean-François Lisée qui, dans son blogue, appuie Pauline Marois depuis des mois tout en se montrant critique des propres ambitions de M. Duceppe.

Un ancien conseiller de deux premiers-ministres et encore actif dans les cercles péquistes, on rapporte aussi qu’il voudrait ou aurait voulu être candidat dans un comté montréalais.  Vus par certains comme un candidat potentiel au leadership, il aurait peu intérêt, comme M. Drainville, à voir M. Duceppe assumer la chefferie du PQ avant la prochaine élection générale.

***

Pendant ce temps…

Et pendant ce temps, Jean Charest parle d’économie tout en refusant tout à coup de commenter le psychodrame sans fin au PQ ou encore, la dernière recrue de la CAQ – nul autre que Mario Bertrand, dit l’«abrasif», un ancien chef de cabinet de Robert Bourassa lui-même.

Ceux qui connaissent bien la force des convictions fédéralistes de M. Bertrand comprendront rapidement qu’un François Rebello devra ravaler illico son petit refrain du «je te jure maman, je suis encore souverainiste, même à la CAQ»…

Pendant ce temps, la raison d’être du PQ se perd dans une ronde interminable de luttes de pouvoir qui, dans les faits, visent déjà à positionner les uns et les autres pour l’après-Marois.

Que cet après-Marois vienne avant ou après la prochaine élection..

En attendant, la réalité est que le PQ demeure d’une fragilité extrême.

Avec ou sans Pauline Marois.

Et son option? Elle ne semble plus faire le poids dans ce parti face aux luttes de pouvoir exacerbées, ou aux appels bien plus insistants à faire de la politique «autrement» ou encore, à remplacer sa préparation par une série de revendications face à Ottawa.

Or, à force de la mettre de côté, la chef actuelle et tous ceux qui ambitionnent d’occuper un jour son poste risquent d’avoir le réveil passablement brutal au lendemain de la prochaine élection générale…

Le mot de la fin de cet énième épisode d’une crise qui dure depuis huit mois, – un mot fort lucide par ailleurs -, ira à la députée péquiste Monique Richard: «C’est rien de drôle ce qui arrive au PQ».

Non, Madame.