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Les Dieux sont tombés sur la tête

 

 

Eh oui. Nous voilà plongés à nouveau en plein Absurdistan..

Cette fois-ci, c’est avec cette histoire proprement surréaliste d’un enseignant de Sorel qui a décidé, simplement, de retirer une référence faite à «Dieu» à la toute fin du grand classique d’Édith Piafl’Hymne à l’amour.

De toute évidence, dans cette école, on semble ignorer que même l’Acte constitutionnel de 1982 du Canada commence avec ces mots qui en étonneront peut-être plusieurs: «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit».

Bref, on pourrait dire que si, comme dans la chanson, «Dieu réunit ceux qui s’aiment», cet épisode rappelle encore plus l’adage voulant que «Dieu rend fous ceux qu’il veut perdre»…

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Franchement!

Dès que la nouvelle de ce mot «Dieu» expurgé d’une simple chanson a fait le tour des médias, les réactions ont fusé – ministres et partis d’opposition condamnant la chose.

Les sites internet des grands médias furent aussi inondés de dénonciations outrées venant de citoyens qui n’en croyaient pas leurs yeux. Certains allant jusqu’à avouer leur honte de faire partie du Québec même si cet épisode était le fait de quelques personnes…

Comme quoi, religion ou non, le vieux fond judéo-chrétien porté à l’auto-flagellation collective pour un oui ou un non, remonte encore facilement à la surface…

L’histoire s’en est même retrouvée sur le site du Nouvel Observateur!

Une honte universelle, quoi! (Dit ici, bien sûr, avec ironie…).

Et puisqu’il était question, dans cette histoire rocambolesque, de ne pas froisser les chastes oreilles postmodernes de jeunes élèves de 10 à 11 ans, de toute évidence en danger mortel d’entendre prononcer le mot «Dieu» dans une chanson d’amour, on a bien évidemment dénoncé l’inaction, jusqu’ici, du gouvernement Charest dans le dossier épineux des accommodements dits raisonnables pour motifs religieux.

Bref, les fameuses «balises» pour les institutions publiques dont parlait le rapport Bouchard-Taylor, les Québécois les attendent encore. Et encore.

Or, l’inaction a beau être ce qu’elle est, comment diable – si vous me permettez l’expression -, songer même à pouvoir un jour «baliser» des cas aussi pointus et aussi patents de manque de jugement qu’est, de toute évidence, cet absurde PiafGate»?

Ambitionner de pouvoir «baliser» le manque de jugement est un bien vaste programme…

Et, heureusement qu’on ne peut pas tout «baliser».

Cela dit, en passant, sans remettre en question d’aucune manière les qualités pédagogiques de cet enseignant et dont témoignaient aujourd’hui collègues et parents d’élèves.

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Une question qui demeure

Il reste qu’au-delà de cet épisode surréaliste, la force et le nombre des réactions entendues aujourd’hui témoignent néanmoins de l’impatience croissante dans la population face à l’extrême lenteur du gouvernement Charest dans le dossier de la laïcité. Soit de la place du religieux dans les institutions publiques.

Une question qui, doit-on encore le rappeler, est débattue dans la plupart des États occidentaux.

Les effets de ce vide, on les retrouve aussi, d’une certaine manière, dans ce dernier épisode, aussi absurde soit-il.

Car non seulement l’enseignant a pris cette décision avec l’accord de collègues, mais la commission scolaire elle-même dit comprendre son enseignant tout en se plaignant, elle aussi, d’être laissée dans le flou sur toutes ces questions. Comme si, de toute manière, un gouvernement aurait pu «baliser» quelque chose d’aussi inusité comme de retirer le mot «Dieu» d’une chanson.

Mais le pire dans cette histoire fut d’entendre des ministres enligner devant les caméras tout un collier de «franchement!» pour clamer leur opposition au retrait du mot «Dieu» de l’Hymne à l’amour.

Ce sont pourtant les mêmes ministres qui appartiennent au même gouvernement qui, encore récemment, ne trouvaient rien à redire lorsqu’une école a permis à une jeune élève musulmane, pour des motifs religieux, de porter des écouteurs anti-bruit pour la «protéger» d’avoir à entendre de la musique.

Et ce, même si cette décision permettait à une pratique dite  religieuse  d’isoler une jeune fille au sein de son propre milieu scolaire tout en lui retirant l’accès à un élément essentiel de la culture universelle: la musique.

Cette décision, pourtant, entérinait une demande dite d’«accommodement raisonnable» pour motifs religieux – une demande basée dans les faits sur une vision clairement discriminatoire envers l’enfant elle-même.

Qui plus est, selon les autorités scolaires, les demandes d’«accommodement» religieux se multiplient dans leurs milieux.

C’est pourquoi on aurait nettement préféré entendre les ministres s’élever contre des cas troublants comme celui des écouteurs anti-bruit. Des cas où on laisse le religieux s’imposer dans un milieu scolaire. Un milieu où l’éducation, la culture, l’acquisition de connaissances et le développement du sens critique ne devraient JAMAIS être limités par des considérations de «croyances» ou de dogmes.

Si la raison n’a pas raison des «croyances» et des dogmes dans un milieu scolaire, où diable l’aura-t-elle?

Mieux encore, vivement une charte de la laïcité.

Non pas, bien évidemment, pour tout baliser. Une tâche heureusement impossible en démocratie.

Mais pour distinguer les pratiques religieuses du fonctionnement des institutions publiques.

Et aussi, pour qu’à l’autre extrême, des histoires comme celle de cette chanson amputée du mot «Dieu» ne soient plus confondues avec ce que peut être la laïcité dans les institutions publiques d’une société démocratique.

Car retirer le mot »Dieu» d’une chanson ou d’un livre, non, ce n’est ni de la laïcité, ni un accommodement raisonnable pour ne pas offusquer… C’est tout, sauf ça…

 

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(*) Heureusement que la chanson choisie n’était pas la presque aussi légendaire «Mon Dieu» d’Édith Piaf…

(*) Avant de retirer le mot «Dieu» de la chanson, on aurait peut-être dû méditer ces autres paroles de l’Hymne à l’amour: «On peut bien rire de moi, je ferais n’importe quoi, si tu me le demandais»….