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La vulnérabilité n’a pas la cote

 

 

Suite à une série de reportages troublants parus dans le Journal de Montréal, le sort des personnes âgées résidant dans certains CHSLD est de retour dans l’actualité alors que les questions fusent depuis deux jours à l’Assemblée nationale

Le sujet est déjà amplement connu.

Dans certains CHSLD – les centres d’hébergement et de soins de longue durée -, on rapporte depuis plusieurs années un nombre de bains insuffisants pour les personnes résidentes; de la nourriture de moindre qualité, servie tiède ou trop rapidement; des décès suspects, des histoires de maltraitance, un non respect de la dignité et de l’intimité; solitude; manque d’activités et de plaisirs, etc.

Des problèmes que l’on peut aussi retrouver dans certains résidences privées, et parfois même, en plus prononcé.

Or, on apprend néanmoins que pour les plus de 400 CHSLD et les plus de 35,000 personnes qui y rédisent, le gouvernement ne fournit que DEUX inspecteurs.

Aujourd’hui, en entrevue, la ministre déléguée aux Services sociaux, Dominique Vien, Vien parlait même, sans rire, d’«une brigade» /sic/ de deux inspecteurs… Pourtant, comme l’ont noté les partis d’opposition, il y a trois ministres responsables dans le dossier et pas moins de seize PDG d’agences de santé. Cherchez l’erreur.

Une situation qui, côté inspections, en passant, était semblable, sinon pire, sous le gouvernement précédent.  La différence étant le recours accru du gouvernement actuel aux ressources semi-privées et privées. Autant pour les personnes âgées, que pour les garderies et les personnes handicapées.

Mais oups… Ceci étant une année électorale – sous pression des médias et des partis d’opposition – la ministre Vien annonçait tout à coup ce matin un ajout de nouveaux inspecteurs, mais combien? Ça, elle ne le savait pas encore…

Rappelons que la plupart des personnes en CHSLD sont plus âgées, très souvent en perte d’autonomie et parfois même, en phase presque palliative. La majorité sont des femmes et souvent, elles sont veuves.

On comprendra alors que les besoins de ces personnes sont nombreux, variés selon chaque cas et fort complexes. D’autant plus que nous vieillissons comme société. Et que plusieurs milliers de personnes sont déjà sur une liste d’attente pour une «place» en CHSLD.

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Des manques flagrants

Or, ce ne sont pas que les inspecteurs qui manquent.

Ce sont aussi les «places», les ressources matérielles et humaines pour répondre à ces besoins appelés également à augmenter dans l’avenir.

Mais comme la majorité des personnes âgées vieillissent ou vieilliront à la maison, il faut aussi compter des manques flagrants quant aux soins à domicile et l’aide financière à celles et ceux qu’on appelle les «aidantes» et «aidants» «naturels.

Ce qui – on l’oublie complètement -, touche et touchera aussi de plus en plus les personnes adultes handicapées intellectuellement et/ou physiquement. Dont plusieurs vieillissent ou vieilliront sans support familial et avec très, très peu des ressources financières. Combien d’entre elles finiront-elles, aussi, dans des «résidences» ou des CHSLD incapables de répondre à leurs besoins très spécifiques.

Bref, on parle ici de nombreuses personnes au Québec qui, pour toutes sortes de conditions et de raisons, sont ou seront très vulnérables. Sans compter la question très terre à terre des revenus insuffisants pour de nombreuses personnes âgées. Dans le présent et dans l’avenir.

Quant aux CHSLD, si 85 d’entre eux ont été identifiés comme ayant des lacunes, cela en laisse une majorité qui n’en ont pas. Du moins, à ce que l’on nous en dit. Mais comment savoir avec deux inspecteurs?

Or, autant dans les moins pires que le moins bons – que ce soit aussi dans les résidences pour personnes âgées ou personnes handicapées de tous âges -, la plupart des experts «non politiques» le diront: ce qui manque le plus, ce sont des ressources matérielles adéquates et adaptées, de même que PLUS d’employés.

Même si bien des employés sont dévoués, il reste qu’il faut surtout plus d’employés et des employés mieux formés. S’occuper de personnes vulnérables avec compétence et humanisme, c’est très, très exigeant. Et donc, ça devrait exiger une formation et des conditions de travail conséquentes.

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Le marché de la vulnérablité

Sinon, une certaine déshumanisation, voire une marchandisation des soins aux personnes vulnérables, s’accentuera de plus en plus.

Car il n’y a nul doute que tout un «marché» s’ouvre dans le domaine… Dans le privé – que ce soit pour de petites, moyennes ou grandes résidences -, les personnes vulnérables, ça peut aussi être très payant…

À la bourse de la privatisation des soins, la vulnérabilité a nettement plus la cote que lorsqu’elle appelle des investissements publics croissants.

À cet égard, il y a lieu de s’inquiéter de cette poursuite de 400,000$ intentée par le patron fort connu d’un CHSLD en PPP (partenariat-privé-public). Une poursuite lancée contre une femme aux revenus fort modestes, laquelle avait critiqué publiquement ce qui s’y passait lorsque sa mère, aujourd’hui décédée, y résidait. Une poursuite qui a toutes les allures d’une poursuite-bâillon.