L’actualité roule beaucoup ces jours-ci…
Conséquence: des sujets importants se perdent dans la mêlée…
Tenez, entre autres, comme celui-ci.
Pendant que des milliards en fonds publics seront consacrés à plusieurs rénovations et nouvelles construction pour les hôpitaux de Montréal; que le nombre de médecins quittant le régime public pour une pratique complètement privée; que plus de 30% des dépenses de santé ici sont déjà de nature privée; que les histoires de services insuffisants s’accumulent pour les personnes âgées et handicapées; que des réductions unilatérales dans les paiements de transfert aux provinces en santé sont annoncées par Ottawa; eh bien, on oublie que le coûts des médicaments est la principale composante expliquant l’augmentation constante des coûts de santé au Québec. Pas la seule, mais la principale.
C’est dans ce contexte que le parti Québec solidaire est revenu aujourd’hui avec son projet de «régime d’assurance médicaments universel entièrement public».
En conférence de presse, son député Amir Khadir a rappelé qu’un tel régime réduirait les coûts des médicaments. Ce qui, par définition, en améliorerait l’accessibilité.
Le député a aussi fait état de l’appui, entre autres, de l’Union des consommateurs, de la Coalition solidarité santé, de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, etc.
Ayant également déposé une motion à être débattue en chambre, M. Khadir promet d’y présenter «245 lettres d’appuis à la campagne menée par l’Union des consommateurs en faveur d’un régime entièrement public».
***
Dans son communiqué, le député précise ceci: «l’explosion du coût des médicaments au Québec ainsi que la hausse fulgurante des coûts des régimes, autant chez les assureurs privés que pour l’assureur public, démontrent que le régime mixte actuel est déficient. Un régime entièrement public constituerait une solution globalement moins chère pour la collectivité québécoise en plus de simplifier son administration. Elle permettrait de mieux négocier à la baisse la facture d’ensemble des médicaments payée par les Québécois-es ».
Selon QS, «les spécialistes estiment les économies annuelles d’un régime entièrement public à 1 milliard $. Ces économies pourraient se chiffrer à 3 milliard $ en abolissant certaines mesures de soutien à l’industrie pharmaceutique, telle la règle des 15 ans».
Du côté du gouvernement, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, argumentait plutôt à l’Assemblée nationale que le régime québécois mixte public-privé d’assurance-médicaments était le meilleur au pays, voire en Amérique du Nord.
Quant à l’Union des consommateurs, néanmoins, elle «rappelle que les Canadiens paient leurs médicaments 30% plus cher que la moyenne des pays de l’OCDE et que le Québec est la province enregistrant la croissance des dépenses en médicaments la plus importante au Canada».
Et d’ajouter que le «régime public est déficitaire depuis sa création parce qu’il couvre les 57 % de personnes le plus à risques : une grande partie des aînés, les chômeurs, les personnes les plus pauvres. Le régime hybride force la population à adhérer aux régimes privés dès qu’ils sont offerts, ce qui garantit un marché très lucratif aux assureurs privés qui récoltent une clientèle captive en meilleure santé».
Pour mettre sur pied un régime entièrement public et universel d’assurance médicaments, QS propose la «création de Pharma Québec – un pôle public d’achat groupé de médicaments, de production de génériques et d’innovation pharmaceutique».
***
Et si vous me permettez d’ajouter un argument. Ce dossier s’inscrit également dans celui beaucoup plus large de l’équité intergénérationnelle.
Ou, dit autrement, dans la nécessité de trouver des moyens d’en stopper l’érosion pour les générations à venir. Autant en éducation, que pour les pensions et le régime de santé…
Cela étant dit, le régime actuel d’assurance médicaments a constitué et constitue toujours une avancée sociale considérable pour les Québécois.
Toute personne dénuée d’une assurance privée et ayant été, et étant encore, atteinte d’une maladie ou d’un état de santé nécessitant une médication onéreuse par rapport à ses propres moyens financiers, le sait fort bien.
Avant la création du régime, rappelons d’ailleurs que plus de 1 million et demi de Québécois n’avaient aucune couverture pour leurs frais de médicaments. La situation était hautement inéquitable.
Ce qui n’empêche pas, par contre, de soulever la question. Existe-t-il des moyens plus efficaces et moins coûteux pour la société dans son ensemble aptes à bonifier ce régime? Sans oublier des problématiques connexes, dont celle du phénomène croissant de la sur-médication.
***
En extra, cet article de Marc-André Gagnon, professeur à la School of Public Policy and Administration de l’Université Carleton et chercheur pour le Edmond J. Safra Center for Ethics de l’Université Harvard.
Un article qui débute en ces termes: «Les Québécois achètent actuellement leurs médicaments par l’entremise d’un système hybride de couvertures assurantielles publiques et privées. Ce système est tout à fait dysfonctionnel. Si le régime québécois d’assurance-médicaments obligatoire assure un meilleur accès aux médicaments, ce régime est complètement inefficace pour contenir les coûts.
Le Canada est le second pays le plus cher au monde quant aux prix de détail de ses médicaments prescrits, et c’est le pays pour lequel les coûts annuels augmentent le plus rapidement, soit environ 10,5% par année depuis 1985. Mais le Québec fait pire puisqu’il accepte systématiquement d’accroître artificiellement les prix de ses médicaments afin de créer un environnement d’affaires favorable à l’industrie. Le Canada paie ses médicaments 30% plus chers que la moyenne des pays de l’OCDE, alors que le Québec paie 8% plus chers que la moyenne canadienne. Les dépenses en médicaments prescrits constituent le poste ayant le plus contribué à l’augmentation des dépenses en santé au Québec. À eux seuls, ils sont responsables de 22,2% de l’ensemble de la hausse des dépenses de santé depuis 1985.»
Pour lire la suite, c’est ici.
Les médicaments en Russie, ça marche comment ? Qui sont les fabricants ? Des coopératives de travailleurs ? L’État employeur ? Et en France ? Et en Angleterre ?
Il serait important de bien connaître ce qui se fait ailleurs afin d’en prendre le meilleur et de ne pas réinventer la roue de ceux qui ont trouvé LA solution de la fabrication et de la distribution des médicaments.
En Nouvelle-Zélande, la création de la » Pharmaceutical Management Agency of New Zealand » (qui a inspiré l’idée de Pharma-Québec) a permis de réaliser des économies de 70% (Eh oui, les médicaments ont finalement été achetés à 30% des prix antérieurs !).
Au Brésil, le gouvernement a changé la loi sur les brevets et a mis sur pied une société d’état, les laboratoires Farmanguinhos, qui produit ses propres génériques: non seulement le prix très bas des médicaments génériques d’état a poussé les grandes pharmaceutiques à réduire leur propre prix (ex: didanosine, un antiviral, se vend 0,51$ la boîte au Brésil et 1,81$ au États-Unis; 2e ex: : l’AZT, un antirétroviral, coûte 14 fois moins cher au Brésil qu’aux États-Unis et les exemples sont nombreux).
En Thaïlande, une initiative similaire a eu, ô surprise, des résultats similaires. Un exemple: Les laboratoires thaïlandais vendent le fluconazole (pour traiter le VIH) à 0,60$ le comprimé, ce qui a forcé Pfizer à vendre le sien 3,60$ (Au Québec la RAMQ paie 4,46 $ le comprimé de 50 mg, 7,92 $ pour le comprimé de 100 mg et 13,41 $ pour celui de 150 mg et le générique est remboursé jusqu’à concurrence de 5,54 $ pour le comprimé de 100 mg).
Vous pouvez consulter le mémoire: « Pas de profit privé sur la santé du public » présenté par Québec Solidaire à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale du Québec le 31 mars 2006
Je vous conseille aussi le livre: « L’envers de la pilule » de Jean-Claude Saint-Onge (C’est ce livre qui a lancé le débat au Québec sur la création de Pharma-Québec)
Avec un nouveau gouvernement ou pas, un nouveau directeur a la Santé publique, suite au départ du Dr A. Poirier, les choses ne vont pas changer et le Dr Bolduc se fera toujours « rassurant ».
L’industrie du médicament est et sera toujours un secteur très conservateur. Suivre les carrières en porte-tournante dans ce milieu donne le tourni. Il faut vraiement avoir la piqûre pour s’y retrouver.
Cette idée de Pharma Québec, peu de gens en parlent (sauf Qs) mais c’est une crisse de bonne idée !
Oui M. Roy, le tout-à-l’État, pourquoi pas ?
L’éducation, la santé, la voirie, les fermes, la culture, les casinos, les Centre d’achats, les églises, la foi, les journaux, la télé, la radio…tous les médias, la production, la distribution et toutes les entreprises privées.
Finis les profits pour les riches qui exploitent les pauvres…enfin, le Paradis, pas le backbencher résigné, créé par M. John Charest depuis 2003, il va s’en dire.
Pourquoi chaque fois qu’on propose une idée intelligente et bien documentée pour mettre fin à un abus nous lance-t-on systématiquement des exagérations aussi éhontées ?
Vous savez que la recherche pharmaceutique est subventionnée à environ 85% par l’État et les frais de scolarité ?
Pour que les brevets soient laissés ensuite aux pharmaceutiques qui nous revendent, à prix d’or et sans aucune négociation, les dits médicaments, selon la liste qu’elles-mêmes établissent ?
Que les frais des médicaments dépassent depuis plusieurs années la somme de tous les salaires des services de santé (infirmières, médecins, anesthésistes, etc.) ? Et que c’est le poste de dépense qui augmente le plus vite (et de loin) ?
Si on veut économiser dans les dépenses en santé pour maintenir les services, c’est d’abord là qu’il faudra regarder.
Ensuite, Pharma-Québec est loin d’être une idée « communiste ». En Nouvelle-Zélande, c’est le gouvernement de Jim Bolger, du parti de droite « New Zealand National Party » qui a créé, en 1993, la « Pharmaceutical Management Agency of New Zealand » (inspiration du projet de Pharma-Québec).
Et l’idée est très capitaliste: Il s’agit d’utiliser le pouvoir d’achat de l’ensemble du réseau public pour négocier avec les pharmaceutiques, les médicaments que l’on va acheter et le prix qu’on va payer. Comme toutes les entreprises le font: Utiliser son pouvoir d’achat pour négocier le prix et les conditions d’achat est normal pour le système privé, pourquoi est-ce que ça deviendrait du « communisme » quand l’État fait de même ?
Et si encore les pilules ne faisaient que guérir et soulager, ses coûts faramineux et scandaleux seraient plus facile à avaler! Mais non!, très souvent elles sont nuisibles, prescrites inutilement ou en simple prévention; ou encore l’industrie pharmaceutique en cachent certains effets dits «indésirables», parfois mortels. Et, avec ça, des pharmaciens qui s’en mettent plein les poches, parfois sur le dos des plus pauvres!
Les pilules, oui, mais pas à tout prix.
D’accord M. Lagassé, il nous manque des détails sur le plan de Québec solidaire pour les médicaments. Faut juste faire attention à notre État qui gère actuellement les urgences et l’éducation…pas toujours bon. Des coopératives de consommateurs, de producteurs et de distributeurs avec l’aide de l’État…peut-être un genre de solution.
« Faut juste faire attention à notre État qui gère actuellement les urgences et l’éducation…pas toujours bon. »
A remarquer qu’avant 1982, il n’y avait pas de problème majeur dans le réseau public (bon, c’est vrai qu’il arrivait que des gens attendent jusqu’à 2 ou 3 heures dans des urgences). Jusqu’à ce qu’on décide de « rationaliser » et de « couper dans le gras ». Depuis, on a mis des employés à pied, on a coupé des postes, fermé des milliers de lits d’hôpitaux, augmenté le nombre d’élèves par classe. fiat disparaître les spécialistes (orthopédagogues, etc.) et pris diverses mesures pour faire une plus grande place au « privé » (fondation Chagnon, recours aux firmes-conseils plutôt qu’à des professionnels de l’État, privatisation accrue du réseau de la santé (le privé occupe maintenant 30-40% du « marché » de la santé, etc.).
Sans compter qu’on confie la gestion de L’état et des sociétés d’État à des gestionnaires provenant des grandes entreprises privées (Rousseau, Sabia, Caillé, Vandal, etc.).
Bref, je constate qu’avant 1982, le réseau public, sans être parfait, se débrouillait bien pour offrir un service de qualité accessible à tous. Et que depuis 30 ans, nous sommes affligés par des gouvernements qui, tous, ont épousé l’idéologie néo-libérale et que depuis ce temps, tout se dégrade.
Le problème n’est peut-être pas l’État comme tel que l’idéologie néo-libérale.
(A remarquer que le phénomène touche l’ensemble du monde occidental depuis ces « belles » années de Tatcher-Reagan).
« D’accord M. Lagassé, il nous manque des détails sur le plan de Québec solidaire pour les médicaments. »
Lisez le mémoire que je vous suggérais plus haut: « Pas de profit privé sur la santé du public » présenté par Québec Solidaire à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale du Québec le 31 mars 2006
Vous y trouverez suffisamment d’information je crois pour vous satisfaire.