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Une bouteille à la mer?

 

 

À mesure que l’on s’approchera du 17 avril – date qui marquera le 30e anniversaire du rapatriement unilatéral de la constitution canadienne – les langues se délieront sur un sujet que l’on conseille de toutes parts aux Québécois d’oublier. Tranquillement…

Ça fait tellement ringard même d’en parler, n’est-ce pas?…

Et pourtant, on en parlera. Heureusement pour ceux qui l’ont vécu. Heureusement pour ceux qui étaient trop jeunes pour s’en souvenir. Heureusement pour ceux qui n’étaient même pas encore nés en 1982…

Et donc, parmi les sorties, comptons ce prochain colloque universitaire sur les 30 ans du rapatriement. Là où plusieurs perspectives académiques et politiques se rencontreront et s’exprimeront.

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Pour un «pays neuf»?

Comptons aussi cette déclaration tout juste émise par le Nouveau mouvement pour le Québec (NMQ) – un regroupement souverainiste créé l’an dernier, on s’en souviendra, en pleine tourmente au PQ.

Pour lire cette déclaration, dont le titre est «Un Québec qui reprend ses ailes», c’est ici.

Avec plus de 500 signataires (1), l’argumentation centrale du texte repose sur un certain nombre d’affirmations.

Les grandes lignes en sont les suivantes:

– Un éloignement accéléré par le gouvernement Harper de «deux imaginaires sociaux et politiques distincts» qui existaient déjà – ceux du Canada et ceux du Québec;

– Un rejet du statu quo constitutionnel par une forte majorité de Québécois;

– Une acceptation du même statu quo par une forte majorité de Canadiens hors Québec;

– Une «friabilité» de l’électorat québécois qui, depuis trente ans, aura donné «une majorité de sièges à trois partis politiques fédéraux différents» (PLC, Bloc, NPD). Une friabilité qui serait la résultante d’un «sentiment profond et pesant, depuis 1990, de rester dans les limbes de l’histoire, de ne pas être» (N.B.: 1990 fut l’année de l’échec de l’Accord du lac Meech, lequel, porté par le premier ministre Brian Mulroney, proposait de «réconcilier» le Québec et le Canada dans l’«honneur et l’enthousiasme» pour «réparer» l’affront du rapatriement de 1982);

– La construction d’une identité nationale canadienne basée sur «deux langues officielles», mais «une culture»;

– Le Canada ne serait plus un État «fédéral», mais «unitaire»;

– Des affrontements qui se multiplient entre les gouvernements québécois et canadien;

– Un «débat sur l’indépendance» qui serait «loin d’être terminé»;

– Un Québec condamné à une «errance constitutionnelle» pour cause du refus de réformer le fédéralisme dans le reste du pays;

– Un Québec conscient qu’il forme une «nation»;

– Des «intérêts objectifs» de plus en plus contradictoires sur la scène internationale entre ceux du Québec et du Canada;

– Une Constitution  qui, depuis 1982, «n’a jamais été officiellement ratifiée par le gouvernement du Québec», péquiste ou libéral;

– Seules «deux honorables indépendances» – celles du Québec et du ROC – sauraient «mettre fin à cette impasse»;

– Par conséquent, «il faudra inévitablement que la population du Québec fasse à nouveau des choix», soit celui d’un «pays neuf», d’un «Québec indépendant».

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Une bouteille à la mer ?

Or, si le NMQ tente bien entendu ici de s’adresser à la population, dans les faits, à mesure que l’on s’approche d’une élection, sa déclaration n’est-elle pas envoyée, essentiellement, à la direction du Parti québécois?

Car si, selon cette même déclaration, «il faudra inévitablement que la population du Québec fasse à nouveau des choix» – celui d’un «Québec indépendant» -, n’est-ce pas avant tout au PQ que cette déclaration s’adresse?

Dans la mesure, de toute évidence, où le Parti québécois s’est donné un programme d’où est absent, s’il venait à prendre le pouvoir, tout engagement clair à faire précisément ce à quoi appelle justement cette déclaration du NMQ…

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Vendredi: la suite de ce billet. Le titre: «Vous avez dit «Constitution»?».

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(1) Parmi les signataires de la déclaration du NMQ: l’historien Robert Comeau, le député péquiste Bernard Drainville, le député indépendant Pierre Curzi,  l’ex-premier ministre Bernard Landry, l’écrivain Pierre Graveline,  l’auteur-compositeur, chanteur et acteur Sébastien Ricard, etc…

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(*) Le titre du billet  est inspiré  d’un livre de Jacques Parizeau paru en 1998: «Le Québec et la mondialisation. Une bouteille à la mer?» (VLB éditeur).