Jeff Mangum et sa bande étaient de retour à Montréal, après plus de 15 ans d’absence. C’est dire que l’événement qui se déroulait à l’Olympia était attendu et portait déjà les marques de l’«unique» qu’il a été. Le meilleur concert? Peut-être pas. Mais un qu’on n’oubliera pas de sitôt et qui a su raviver l’aura mythique de la formation américaine.
POP Montréal a réussi un coup de maître en faisant de Montréal un passage obligé de la nouvelle tournée de Neutral Milk Hotel, rameutant du même coup des fans d’aussi loin que Halifax (bien sûr, entre Montréal et Toronto, tu vas au concert le plus proche). Ce concert, les Montréalais n’y auraient pas cru à pareille date l’an dernier. Pourtant, fin juillet dernier, on s’extasiait (ben, JE m’extasiais) lorsque nous avons appris que NMH viendrait fouler la scène de l’Olympia, superbe salle où j’ai (en compagnie d’une couple d’autres personnes, assurément) pu entendre l’imprévisible Fiona Apple, en juillet 2012. En ce moment, je considère l’Olympia comme le lieu où j’ai pu assister à des concerts uniques d’artistes que je ne reverrai sans doute jamais sur scène. Ces souvenirs valent tous les sous dépensés pour les billets de ces concerts.
Samedi soir, Jeff Mangum est monté sur scène, vers 21h45, après une performance pas mauvaise mais oubliable de Elf Power (formation originaire du même coin que NMH). Le leader de Neutral Milk Hotel portait la barbe longue et hirsute («Coudonc, finalement, c’est ZZ Top qu’on vient voir?»), une casquette à la Che Guevara masquant son regard, et un chandail laineux campagnard qui nous laissait croire qu’on se retrouvait autour d’un feu de camp avec Mangum, prêt à écouter ses pièces avec attention.
Two headed boy
All floating in glass
The sun it has passed
Now it’s blacker than black
I can hear as you tap on your jar
I am listening to hear where you are
C’est avec Two-Headed Boy que Mangum a entamé sa soirée. Chantée guitare-voix, en solo, un unique spot clair révélant l’aura du chanteur et musicien, la pièce a rendu la foule frénétique, incrédule d’entendre enfin sur scène la voix reconnaissable entre toutes de Jeff Mangum. Ses six musiciens ont suivi, concluant l’ouverture avec le principal intéressé, à l’aide de trois cuivres (dont Scott Spillane qui arbore de plus en plus la barbe style Père Noël), deux accordéonistes (Julian Koster qui s’est aussi activé au banjo et à la scie, entre autres, ainsi qu’à la basse; et Laura Carter, aussi membre de Elf Power, qui alternait entre accordéon et zanzitophone) et un batteur (Jeremy Barnes, à côté de ses pompes à quelques reprises au cours de la soirée).
Les protagonistes ont poursuivi rapidement, enchaînant les pièces des albums On Avery Island (1996) et In A Aeroplane Over The Sea (1998), de même que quelques morceaux tirés des maxis Ferris Wheel On Fire (2011) et Everything Is (1994). The Fool, Holland, 1945, A Baby for Pree / Glow Into You, Gardenhead / Leave Me Alone et Everything Is ont déferlé sur la foule de l’Olympia qui était beaucoup trop heureuse de voir Neutral Milk Hotel en concert pour réaliser ce qui lui tombait dessus.
Il fallait voir et – surtout – entendre, par la suite, les centaines de fans entonner «I love you Jesus Christ / Jesus Christ, I love you, yes I do / I love you Jesus Christ / Jesus Christ, I love you, yes I do», comme une grande communion enfin célébrée entre le Messie et ses dévots. Petit moment heureux, non négligeable.
Après avoir enchaîné les King of Carrot Flowers 1, 2 & 3, NMH n’a pas fait grand cas de la pièce titre In The Aeroplane Over The Sea. Simplement présentée, telle qu’entendue maintes fois sur album, la chanson a tout de même séduit la foule; tant qu’elle chantait à nouveau toutes les paroles en se laissant bercer au son de la voix et des arrangements de Mangum.
And when we meet on a cloud
I’ll be laughing out loud
I’ll be laughing with everyone I see
Can’t believe how strange it is to be anything at all
Et voilà, le moment qu’a choisi l’ermite pour esquisser un premier sourire, portant la main à sa poitrine en guise de reconnaissance envers nous qui étions tout ouïe, pendus aux lèvres de l’homme, et attentifs aux échos musicaux des six musiciens talentueux et polyvalents qui l’accompagnaient (je n’ai d’ailleurs vu que rarement autant de changements de rôles et d’instruments, au sein d’un même groupe; à part chez Arcade Fire, admettons-le).
La soirée s’est poursuivie, réglée au quart de tour, il faut le dire. Le concert, parfaitement rodé, laissait peu de place aux échanges avec la foule, mais je ne m’attendais pas à ce type de concert de la part de Neutral Milk Hotel, formation plus cérébrale qu’émotive. Naomi et Ferris Wheel On Fire ont suivi, puis Mangum est resté seul sur scène pour livrer un second solo, la magnifique Oh Comely.
Say what you want to say
Hang for your hollow ways
Moving your mouth to pull out
All your miracle aimed for me.
Après Song About Sex, NMH nous a offerts dans une envolée musicale, joignant Ruby Bulbs et Snow Song Pt.1, dans une série d’arrangements et d’expérimentations qui nous ont plongés dans une transe musicale qu’on pourrait qualifier de saisonnière…’mettons (hiver, printemps, tsé).
Puis, ils ont tous quitté la scène, pour logiquement revenir quelques minutes plus tard (à peine, on n’a pas eu à les prier trop trop), le temps de quatre chansons pour le rappel. C’est avec Ghost et [untitled] que cette partie du concert a démarré, rappelant la complicité du groupe et le plaisir évident que ses membres avaient à jouer ensemble. Jeff Mangum a ensuite offert un troisième solo aux fans, avec Two-Headed Boy, Part Two. On nous a ensuite avisé que la soirée se conclurait avec une ballade et c’est la jolie Engine qui nous a envoyés nous coucher, la tête remplie des paroles de Mangum.
For I am an engine
And I’m rolling on
The world is all bending and breaking from me
For sweetness alone who flew out through the window
And landed back home in a garden of green