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The Knife au Métropolis : Bowie rencontre Enfanforme pour le meilleur et pour le pire

Crédit photo : Ian Pearce
Crédit photo : Ian Pearce

Samedi soir, 26 avril, le duo électro-pop-futuriste suédois The Knife mettait (enfin) les pieds pour la première fois au Métropolis de Montréal avec la tournée entourant la sortie de l’album Shaking The Habitual, paru il y a déjà un an, en avril 2013. Ceux qui s’attendaient à voir la suite du concert de Fever Ray de 2009 ont été fortement déçus, sans aucun doute, puisque ce concert mettait plutôt en vedette les danseurs, chanteurs et musiciens accompagnant Karin Dreijer Andersson et Olof Dreijer, plutôt que ces deux derniers, dans un gros party dance et techno, où le je-m’en-foutisme des danseurs n’avait d’égal que les jeux de lumières non recommandés aux épileptiques.

À l’entrée, on nous avise qu’une première partie de 20 minutes aura lieu. «Ah ouin?», me dis-je, un peu surprise de ne pas avoir lu cette information plus tôt. En fin de compte, celui qui embarque sur scène à 20h30, Tarek Halaby, n’est nul autre qu’un joyeux mélange de «preacher», de prof d’aérobie et de gourou aux multiples mantras empreints de zénitude cosmique, présent pour réchauffer la foule, avant le concert. Vêtu d’une perruque et d’un bandeau d’aérobie, d’une longue veste scintillante, et de shorts à paillettes enfilé sur un one piece bleu fluo, celui qui se décrit comme «queer-palestinian-american» nous prévient qu’on doit suer un peu avant que The Knife daigne venir faire son show, histoire qu’on donne autant d’énergie au groupe qu’il nous en donnera. Après quelques mouvements de «Deep Aerobics» effectués par le public, prouvant qu’il avait autant d’énergie que celui de Toronto, le Métropolis fleurait bon l’amour, la sueur et la tolérance, entourés de light sticks.

Rapidement, The Knife s’est amené, quelques minutes plus tard, sur une scène lumineuse où les réflexions se multiplient sur le montage et les escaliers tout en miroirs, rappelant les pistes de danse des années 1980. Les instruments y sont légion, dans la première partie du concert, de la batterie électronique, aux percussions multiples, au gazou géant quasi électro, et à la contrebasse électronique (on suppose). Les onze (voir au bas du texte pour la liste) chanteurs, danseurs et musiciens, tous vêtus de une pièce vert, bleu ou violet, alternent d’un micro à l’autre, d’un instrument à l’autre, au centre ou sur les côtés de la scène. Nous sommes constamment sollicités par les mouvements de l’un, le headbanging de l’autre, ou le chant de Karin ou de ses collègues.

Tout est opulent, dans le geste, dans la voix, dans l’exacerbation du mouvement. The Knife et ses neuf collègues s’amusent ferme. Ça rigole et ça danse, sans arrêt, pendant 1h20, nous plongeant dans un rêve collectif où David Bowie dans Labyrinthe rencontre Joël Legendre et Élyse Marquis dans Enfanforme. On passe aisément des formules plus techno, au dance, puis à des inspirations flamenco ou afrobeat, avant que la troupe se lance dans une danse folklorique presque improvisée. Olof et Karin Dreijer se mettent peu de l’avant, alternent au chant et à la danse, puis aux instruments, avec leurs collègues qui prennent autant d’espace, sinon plus, qu’eux. En exemple, ces quelques minutes où l’une des danseuses-chanteuses-musiciennes, Halla Ólafsdottir s’amène à l’avant pour réciter le poème de Jess Arnt, Collective Body Possum, et haranguer la foule avec une fureur et une fougue épatantes.

Ultra énergique, le concert réussit à faire de son titre le leitmotiv de la soirée : Shaking The Habitual, indeed. Alors qu’on se passerait parfois des moments où la troupe ne fait que danser sur des pièces pré-enregistrées, que je me serais parfois passée du surplus de reverb, et que le tout peut sembler par moment manquer de direction, en bout de ligne, ce fut un moment unique, avec ses hauts (Pass It On, Raging Lung) et ses bas (A Tooth for an Eye, Ready to Lose).

Enfin, je me compte tout de même chanceuse d’avoir assisté à ce trip collectif qui a eu le mérite de nous faire voyager dans un rêve parfois cauchemardesque (vivement le balcon et ne pas avoir d’attentes) des années 1980 où le futur s’imaginait asexué, où hommes et femmes se mêlent et ne se distinguent plus, se fondent l’un dans l’autre, pour ne devenir qu’un, dans une cascade de rythmes ultra dansants.

La liste des pièces jouées ou dansées, hier soir, pour les curieux :

Wrap Your Arms Around Me
Raging Lung
We Share Our Mothers’ Health
Bird
Without You My Life Would Be Boring
A Tooth for an Eye
One Hit
Full of Fire
Collective Body Possum (Poème)
Ready to Lose
Pass This On
Stay Out Here
Silent Shout
(Aucun rappel)

La troupe sur scène (dix sur onze) :
Halla Ólafsdottir
Rami Jawhari Jansson
Marcus Baldemar
Adena Asovic
Olof Dreijer
Karin Dreijer Andersson
Stina Nyberg
Maryam Nikandish
Zoë Poluch
Andrea Aja Svensson