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Beck à la PDA : Moment explosif d’anthologie

Crédit photo : Kristof G.
Crédit photo : Kristof G.

 

Mercredi soir, pour mettre en bouche le 35e Festival international de jazz de Montréal, Beck envahissait la salle Wilfrid-Pelletier, remplie à pleine capacité pour l’occasion. Si les fans du côté folk de Beck ont sans doute été âprement déçus, les fans de la première heure, qui suivent la carrière du chanteur et musicien californien en ont eu pour leur argent, si vous me passez l’expression caquiste.

C’est The GOASTT, formation regroupant Sean Lennon et sa conjointe et musicienne Charlotte Kemp Muhl, qui s’occupaient de mettre la table pour Beck. The Ghost of a Saber Tooth Tiger est assez solide dans son incarnation des formations rock psychédélique des années soixante et soixante-dix. Le public a eu droit aux pièces composant le plus récent album de la formation, Midnight Sun, et de jolies introductions en français, de la part de Sean Lennon, charmant et très en contrôle de sa voix et son instrument, visiblement heureux d’être sur cette scène avec son groupe qui lui rendait bien. En plongeant dans le rock abrasif au départ, la table était mise pour une soirée qui se déclinerait sous le signe du rock. The GOASTT expérimente avec une réelle maîtrise, ajuste ses harmonies vocales, les module avec rigueur. Malgré tout, un bémol demeure en la personne de Charlotte Kemp Muhl : incapable d’assumer sa place sur scène, tout au long du spectacle, elle aura constamment regardé ses mains tenter d’assumer sa basse, si bien qu’on perdait la moitié de son chant, déjà très léger au départ. Dommage car tous les autres membres du groupe semblaient dévoiler une réelle complicité et aisance. Il s’agissait du second passage du groupe à Montréal, en moins d’un mois.

Puis, vers 21h, c’est Beck qui a fait plaisir à ses fans. Du moins, moi. C’est que je m’attendais – sans doute comme la plupart des fans réunis – à un concert axé sur le côté folk un brin sombre de Beck, et des pièces tirées principalement de Morning Phase, son plus récent album. Mais Beck Hansen n’en avait que faire et s’est vraisemblablement amusé comme un fou, lui qui a explosé dès son entrée sur scène avec une série de hits qui vieillissent extrêmement bien. Ont ainsi été enchaînées les classiques Devil’s Haircut, Loser (Oh my! La première toune que j’ai fait jouer à CISM!), Black Tambourine et The New Pollution, mettant la table à une soirée beaucoup plus rock que celle à laquelle on s’attendait. En plongeant dans ses succès de Mellow Gold et Odelay, Beck semblaient nous brosser un portrait de ses 20 premières années de carrière, riches et aux sonorités multiples.

Il a ensuite effectué la transition avec Soldier Jane, puis a plongé dans son répertoire plus folk et sombre, mais teinté, cette fois-ci d’un côté plus hop-la-vie qui lui allait bien, en accélérant un brin le rythme de Lost Cause qu’on retrouve sur Sea Change, puis en se drapant de son harmonica et en lançant le bal des pièces de Morning Phase. On eut droit, entre autres, à une belle version de Country Down, puis plus tard, à Blue Moon, Say Goodbye et Don’t Let it Go, et entre-temps, la jolie Paper Tiger qui marque Sea Change, pour revenir ensuite à Waking Light qui se retrouve aussi sur Morning Phase.

Mais Beck revenait constamment à son répertoire précédant, celui des Midnight Vultures et Guero, entre autres. Son interprétation de Debra fut un grand succès, petite pause où le côté soul et humoristique de Beck a pris toute la place, tout juste après nous avoir sonné avec Hell Yes, où l’impression de se retrouver dans un party de sous-sol qui dégénère avec Beck était flagrante. Le blondinet s’est aussi offert Think I’m in Love (The Information), Qué Onda Guero,

Beck nous a aussi offert des petites perles de sagesse, en plus de lancer que sa foule préférée de l’année dernière était à Osheaga. Flatteur, va. L’une de mes favorites de la soirée : « Sometimes, you think love makes you fly, but then you realize it’s just the second hand smoke from Willie Nelson’s joint. »

Les projections visuelles furent très réussies, variées et adaptées aux pièces, alors qu’on passait de formes géométriques à des paysages envoûtants. Mais dès qu’on se ramollissait, Beck et ses potes repartaient en grand, nous balançant une E-Pro par la tête. Et c’est sur la disto de la fin de la pièce que Beck a décidé de dérouler une bande de protection « CAUTION », au devant de la scène, pour revenir deux minutes plus tard avec son équipe. « What kind of laws do you want to defy? », nous demande son guitariste. « SEXX LAWS! » que répondent en choeur les fans. Pourquoi pas, hein?

Enfin, Sean Lennon était de retour sur scène, pour accompagner le groupe de manière rès énergique, une cloche à vache à la main, qu’il maîtrisait aussi bien que Will Ferrell. Et après une sympathique présentation des musiciens, la soirée s’est poursuivie de manière éclatante avec un beau show de danse de Beck – qui s’est tout de même déhanché toute la soirée – qui reprenait 1999 de Prince, pour finalement conclure avec Where it’s at, doublé d’une petite chorégraphie de groupe.

Mercredi soir, c’est la polyvalence de Beck et ses musiciens qui frappait. Passer du rock abrasif au rap de blanc-bec, puis à la soul et aux notes aiguës fulgurantes faisait partie de la game que le public a jouée avec un plaisir assumé. Disons que dès les premières notes de Devil’s Haircut, les bancs de la salle Wilfrid-Pelletier se sont repliés sur eux-mêmes pour ne plus s’ouvrir de la soirée. Pour ma part, le déroulement de la soirée fut si inattendu qu’en a résulté un moment d’anthologie dans mon recueil d’excellents concerts de ma vie.

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Crédit photo : Kristof G.