BloguesJulien Day

Analyse de (sur)face

Je l’avoue, l’annonce du retour du hockey de la LNH me réjouit au plus haut point. D’abord parce que j’aime le hockey et le Canadien depuis aussi loin que je puisse me rappeler, mais aussi parce qu’en tant que consommateur assidu de l’opinion des autres via les médias traditionnels et les médias sociaux, je n’étais plus capable d’entendre parler de ce conflit. Et attention, je ne parle pas ici que des opinions des amateurs en manque ou de l’intelligentsia médiatique sportive, mais aussi de celles des pseudo-intellos et sociologues à deux sous qui ne peuvent s’empêcher de faire un parallèle entre une puck et l’époque des gladiateurs romains se faisant livrer aux lions dans un Colisée rempli de paumés qui en redemandent.

Oui, oui, j’aime le pain et les jeux, les ailes de poulet et le hockey, bis repetita placent, faut croire.

Ceux qui me connaissent un peu savent aussi que je suis un fervent admirateur, d’un point de vue strictement scientifique, du médiatique sportif. Les Réjean Tremblay, Ron Fournier et Michel Villeneuve de ce monde me fascinent au plus haut point, surtout par leur faculté à analyser rien (ne pas confondre avec ne rien analyser) en profondeur, ce qui aboutit souvent à des bijoux d’analyses psychologiques pour expliquer la décision de tel ou tel entraîneur d’utiliser tel ou tel joueur.

Avec le lock-out, les médias sportifs tenaient enfin une histoire au potentiel analytique étoffé. Bien qu’il soit difficile de s’émouvoir pour une partie de bras de fer entre multimillionnaires, symbole impeccable des aberrations qu’emmènent inévitablement le cocktail explosif du Marché avec un grand « M » et de notre société avide de spectacle, les revendications des joueurs étaient légitimes dans l’optique simplifiée du concept de partage de revenus. Qu’on le veuille ou non, la bataille qu’ont menée les joueurs de la LNH en était une syndicale opposant propriétaires et employés voulant conserver leurs acquis. Émouvant ou pas, tout cela était légitime.

À mon grand dam, l’essentiel de la couverture médiatique du conflit fut consacrée à « la guerre d’egos » entre Gary Bettman, commissaire de la ligue, et Donald Fehr, représentant syndical des joueurs. Cette « guerre d’egos » aura finalement accaparé la majeure partie des commentaires et explications des chroniqueurs sportifs, entraînant du même coup plusieurs amateurs dans une compréhension discutable des négociations et de la légitimité bien réelle de celles-ci, aussi démesurés soient les salaires en cause, nous laissant avec de savantes analyses reposant sur le bébé-gatéisme des joueurs et des propriétaires qui se foutraient éperdument de notre gueule.

Bien sûr, je ne suis pas payé des millions de dollar pour pratiquer un sport et l’idée que des gens le soient reste un troublant symptôme des dérives capitalistes de notre époque. Par contre, d’autant plus que les critiques du capitalisme ne sont pas chose courante chez l’analyste sportif, il était tout à fait normal pour les salariés mis en lock-out par les propriétaires de refuser de se voir enlever une part de la tarte pour une deuxième fois en 8 ans, aussi gigantesque soit cette tarte. Rien à voir, ou très peu, avec le respect des partisans, la fierté de jouer dans la LNH ou les egos des négociateurs.

En fait, je soupçonne les millionnaires de la LNH d’avoir autant pensé à nous et notre amour du sport que les employés d’un Centre Hi-Fi auraient pensé à nous et notre amour des télés plasma s’ils s’étaient retrouvés dans pareille situation, et c’est bien difficile de leur reprocher.

Heureusement, tout cela est derrière nous et Yvon Pedneault, qui s’indignait du manque de respect inacceptable de l’industrie lui garantissant un salaire plus qu’enviable, devrait passer l’éponge assez rapidement, tout comme les amateurs indignés devraient revêtir assez rapidement leur chandail à 150$ fabriqué dans une usine asiatique par des travailleurs payés quelques peanuts par jour, nous rappelant (ou pas) qu’on est tous le bébé-gâté de quelqu’un d’autre… Mais ça, c’est une analyse beaucoup plus complexe que celle de l’ego de l’un ou du « syndrome du petit homme » de l’autre.

Vivement le retour, donc, de la profondeur des discussions sur la composition du 2e trio ou sur le très scientifique « manque de cœur » russe.

Un peu de Richard…

Évidemment, les chroniqueurs sportifs ne sont pas les seuls à baser leurs opinions sur du vide. Richard Martineau, dans une récente chronique en page 6, rapportait des propos de Martine Desjardins qui qualifiait l’ASSÉ de marginale, en lui reprochant de ne pas l’avoir déclaré avant :

« Ne deviez-vous pas d’abord servir l’intérêt de VOS membres plutôt que d’assouvir la soif de gloire et de pouvoir d’un leader radical qui ne voulait RIEN régler et était incapable du moindre compromis? »

Au-delà de la mauvaise foi évidente et du manque de compréhension élémentaire du rôle de porte-parole de Gabriel Nadeau-Dubois, Richard Martineau semble sous-entendre que l’issue et les enjeux du conflit étudiant résidait sur l’opinion et la personnalité de deux « leaders » ultra-médiatisés, ce qui est non seulement une insulte à l’intelligence des dizaines de milliers d’étudiants qui ne l’étaient pas, mais aussi à celle de tous ceux en quête de pertinence élémentaire.

*Vous pouvez lire la chronique en question ici, si vous êtes un membre VIP du Journal de Montréal. Sinon, gardez l’œil ouvert pour un journal lors de votre prochaine visite au resto du coin, il devrait réécrire à peu de choses près la même chronique sept ou huit fois encore d’ici la fin de 2013.

Idle no more

La situation des réserves autochtones et des Premières Nations en général est pitoyable, et les problèmes qui les affligent dépassent de loin les simples questions économiques entourant l’argent versé aux communautés. Malheureusement, quand on n’y connait pas grand chose, il devient difficile de se faire une idée sur la question, la majeure partie du débat médiatique entourant les doutes portant sur la façon dont Theresa Spence dépense l’argent de sa communauté et le contenu de sa soupe. Ce n’est pas que je crois que Theresa Spence soit sans reproche, loin de là, les chefs gérant le trésor collectif le sont rarement, à ce que je comprends. C’est juste que le ras-le-bol autochtone dépasse de loin la malgérance ou la légitimité de la grève de la faim d’une personne, j’en suis pas mal certain…

Avec tout le temps perdu à s’attarder sur la controverse entourant la cheffe, il n’en reste plus beaucoup pour les questions de fond, ce qui explique peut-être qu’une personne puisse être grossièrement en désaccord avec Idle No More parce qu’il ne piffe pas Theresa Spence. Qui sait?

Personnellement, si j’avais à participer à la mise en branle d’un mouvement de contestation aujourd’hui, j’y penserais à deux fois avant de déléguer le département des communications à une seule ou une petite poignée de personnes, question de m’assurer qu’au final, on accordera plus d’attention au message qu’au messager. Et ce, quitte à me passer d’une parodie kitsch d’un vidéoclip dance viral mettant en vedette le porte-parole du mouvement au prochain Bye Bye.