BloguesJulien Day

Le (pseudo)débat sans fin

Après une année de « débats », d’opinions et de couverture médiatique souvent douteuse, s’il y a quelque chose qu’on peut reprocher aux étudiants, chaos, violence et intimidation exclus, c’est d’être de jeunes ingrats impolis incapables de débattre et qui n’ont de respect pour personne qui ne pense pas comme eux­.

C’est du moins ce que vous dirait une bonne partie des omniprésents chroniqueurs de droite, visiblement irrités par l’attitude nonchalante de l’ASSÉ qui ne tripait pas plus qu’il faut sur le sommet, au point de décider d’aller jouer dehors au lieu d’y participer. Faut dire que les étudiants ne sont pas vraiment fins avec eux, on se rappellera entre autres de la fois où les 100 000 étudiants descendus dans la rue s’étaient munis d’une pancarte se moquant de Richard Martineau et sa conjointe.

En fait, s’il y a eu consensus entre l’opinion de droite et celle de gauche depuis le début du conflit étudiant il y a un an, c’est que ce n’est plus si facile de dire qu’on a vu des étudiants boire de la sangria sans se faire envoyer chier sur Twitter. Il y en a qui ont appelé ça la polarisation du débat, moi j’aime mieux parler des « conséquences d’un excès grave sur la durée d’un débat et d’un trop plein d’opinions ». Je ne prends pas la défense des étudiants, mais un an de « tout ça pour 25 cennes par jour », ça donne envie de tweeter fuck you une fois de temps en temps, on en conviendra.

Bref, un an plus tard, c’est la catastrophe. Richard Martineau ne peut même plus mettre les pieds à l’UQAM pour mener une entrevue avec Martine Desjardins sans se faire envoyer promener de façon vulgaire par des anarchistes pas-propres. C’est dommage parce qu’avec tout ça, on a eu du mal à comprendre ce que Martine Desjardins pensait du triste sort du chroniqueur.

Vraiment, tout cela n’est pas beau à voir, comment le chroniqueur réussira-t-il à gérer tout ça ? Fini le temps où l’on pouvait traiter les écologistes de vulgaires sauveurs de grenouilles dans une chronique sans courir la chance de se faire insulter par des écologistes. Fini le temps où l’on pouvait écrire que les étudiants sont des bébés gâtés qui ne savent pas lire sans se faire lyncher par des étudiants. Si ça continue, un chroniqueur comme Jean-Jaques Samson ne pourra plus écrire que l’ASSÉ est constituée de parasites sans prendre le risque de se faire dire « mange de la marde » dans le parking du dix-trente.

De l’intimidation à grande échelle, j’vous dis. Vraiment pas des conditions gagnantes pour dire les vraies affaires et grossièrement affubler des qualificatifs aux Québécois en commençant sa phrase par « on sait ben’ au Québec ». Triste époque.

Le débat sans fin

Plus sérieusement, c’est dans un dizaine de jours que se mettra en branle le tant attendu « Sommet sur l’Éducation » du gouvernement Marois. Au-delà des interrogations et des doutes assez répandus sur la probable conclusion prédéterminée, son format hermétique ultra-compact et la rhétorique loufoque des péquistes à propos du gel indexé (genre),  je me pose une question fondamentale : Après combien de tours d’un même « débat » peut-on affirmer vraiment en avoir fait le tour ?

Loin de moi l’idée de nier les vertus de ce qui est sans conteste un des principaux outils de la démocratie, mais après un an de déblatération et de monopole médiatique, il serait difficile de croire que de nouveaux éléments pourraient venir bouleverser le cours des choses et provoquer une révision des positions respectives des différents acteurs prenant part (ou pas) au sommet. Dans cette optique, il devient difficile de reprocher aux péquistes d’avoir leurs conclusions déjà prêtes, puisque tous les partis qui seront réunis participent à l’incessant débat depuis un an. Tout le monde sait ce que l’autre dira. En fait, ce cirque n’aura été au final qu’une sorte de condensé de ce qu’on a lu sur le fil twitter des participants depuis le début de la grève étudiante.

Je me rappelle il y a quelques années au CEGEP, il y avait ce prof de philo bizarre que j’aimais bien, même s’il était un peu étrange. Une fois il avait dit : « La philo, c’est plutôt ennuyant à long terme, en fait. Ce sont des débats éternels, et on n’a pas l’éternité pour arrêter d’être cons. Rendu là, un coup de poing sur la gueule est plus productif. Malheureusement, les philosophes sont en général de très mauvais boxeurs. »

Il était cool, lui.