BloguesJulien Day

Hit and run médiatique, la CLAC me paye pour faire ça

C’était le 22 d’un mois quelconque. Pas quelconque, en fait, le 22 novembre 2012. Le gouvernement de Jean Charest venait à peine d’être renversé par les Péquistes de Pauline Marois et les premiers rayons lumineux de la paix sociale se pointaient le bout du nez, malgré l’ombre de la menace du réveil des Anglais.

Cette journée-là, quelques milliers d’étudiants avaient bravé le temps froid pour, officiellement du moins, rappeler que le gel des frais de scolarité (à l’époque, certains croyaient qu’il était acquis) n’était qu’une étape vers leur véritable revendication : la gratuité scolaire.

Pour plusieurs, cette désormais traditionnelle manifestation du 22 du mois en était une de moindre envergure, puisque non seulement le combat était gagné (croyaient-ils), la gratuité scolaire n’est, après tout, qu’une revendication défendue seulement par la frange radicale du mouvement étudiant. D’autres, par exemple l’auteur de ces lignes, se souviendront de cette manifestation comme celle qui nous aura livré un moment magique de télévision.

Rappelez-vous, le pauvre journaliste de TVA au milieu d’une foule hostile et baveuse, tentant tant bien que mal de récolter les propos des manifestants présents, qui eux levaient le nez avec dédain devant le micro que leur tendait le monsieur. J’étais à deux doigts d’avoir pitié de lui lorsque soudainement, il arrêta un jeune homme plus enclin à la collaboration que les autres.

-Excusez moi, j’peux vous poser une question en direct à LCN ?

-En direct !? Tout le temps.

Saisissant cette rare opportunité d’obtenir réponse à une des ses (vraies) questions, le journaliste s’élança, probablement trop excité pour se rendre compte qu’il allait lui-même répondre à sa question d’une légendaire pertinence.

-Là y’a été question de gel des frais de scolarité, et là on parle de gratuité. Qu’est-ce que vous voulez de plus que ce qui a été obtenu, là ?

Pris de court par autant d’éloquence, le jeune homme regarda d’un air dépassé à gauche et à droite, comme s’il appelait ses camarades du regard pour obtenir de l’aide, mais il était trop tard.

-Euh… Rien. Moi j’suis icitte pour casser des vitres. Ouin, battre du monde pis casser des vitres c’est ça que…

-Okay.

-Non mais c’est la CLAC* qui m’paye pour ça.

Au même moment, la réincarnation féminine de John Lennon sortit de nulle part pour se positionner devant la caméra et exprimer du majeur tout l’amour qu’elle a pour, j’ose croire, les journalistes de Quebecor et l’empire lui-même.

Ces trous de cul-là

Pourquoi j’vous parle de ça ? Entre autres parce que c’est drôle, mais surtout parce que quelques minutes avant, pendant le même reportage du même journaliste, une séquence m’avait marqué, pré-enregistrée celle-là.

Le pauvre, toujours en quête de pertinence, zigzaguait parmi les voitures immobilisées de force par les étudiants à la solde de la CLAC, qui déambulaient sans gêne dans les rues du centre-ville pour réclamer que toute soit gratis. Contrairement à ce qu’il allait vivre un peu plus tard dans le parc Émilie Gamelin, le journaliste trouva facilement chaussure à son micro, chaussure qui conduisait une rutilante voiture de luxe.

-Qu’est-ce que vous pensez de tout ça, vous monsieur ?

-Ça a pu’ de bon sens, ****. Quessé qui font ? Hey j’t’écoeuré en **** de ça. Fait 15 minutes j’suis pogné ici, à cause, à cause de ces TROUS DE CUL-là.

Le journaliste lui lança un regard compatissant avant de se retourner vers la caméra pour signifier au journaliste en studio que les gens étaient atterrés, que la lumière n’était pas visible au bout du tunnel, qu’on allait d’ailleurs aller voir un autre témoignage d’un citoyen pris en otage et écoeuré de payer.

Erreur d’un technicien ou de je-ne-sais-trop-qui, le témoignage qui suivit s’avéra être exactement la même séquence avec le même otage et en un éclair, les étudiants dans la rue étaient de double trous de cul.

Alex Perron veut t’écraser

Quand le Twitter s’est enflammé devant les désormais connues paroles d’Alex Perron pendant une interview menée de main de maître par deux intellectuelles de l’empire chargé de vous éduquer les vendredis soirs, moi j’ai souri.

Je n’aurais par contre probablement pas souri si ça n’avait pas été de ce 22 novembre mémorable où j’en suis venu à la conclusion que dans le cas précis de la division médias de Quebecor et des étudiants dans la rue, il n’y aurait à peu près jamais d’information ou de discussion. Seulement que de la confrontation, des insultes et des chroniques de Martineau déplorant le fait que Martineau se fasse insulter. La communication était rompue à jamais.

Je me suis demandé, quel groupe de personnes aussi large pouvait-on consciemment traiter de trous de cul, même par l’intermédiaire d’un automobiliste pris en otage… Je n’ai toujours pas trouvé de réponses aujourd’hui, et les insultes continuent de pleuvoir. La réalité, aussi laide soit-elle, c’est que la vaste majorité des journalistes et chroniqueurs vedettes de Quebecor et la vaste majorité des étudiants qui ont arboré le carré rouge sont en guerre, et tout ça me semble irréparable.

Comment a-t-on pu en arriver là ? Peut-être à coups de 25 cennes par jour pour une sangria, peut-être à coups de pancarte de Sophie Durocher, mais une chose est sûre, on en est là.

Ce qu’Alex Perron a dit aux deux sommités qui animaient la fatidique émission, il y en a plusieurs qui l’ont déjà dit ou pensé, et je soupçonne que ce soit le cas d’une belle brochette de journalistes et chroniqueurs de Quebecor. Je vous l’ai déjà dit, quand le consensus ou même la simple discussion est impossible, soit on va se coucher, soit on s’tape sur la gueule. Dans le cas précis de Quebecor et autres Stéphane Gendron de ce monde, semble bien qu’on en soit déjà aux coups de poing sur la gueule.

FOX News le fait sans gêne, j’dis ça comme ça. FOX News aussi est un « réseau d’information ».

Alors non, je n’étais pas outré, encore moins surpris. En fait, la seule chose qui me surprend, ce n’est même pas que les deux animatrices aient ri de la « boutade » de Perron, mais bien qu’Alex Perron fasse rire quelqu’un sur cette terre, au point où certaines personnes puissent croire qu’Alex Perron, « ça finit bien la semaine ».

Et si quelqu’un veut discuter et me convaincre de la pertinence ou du talent d’Alex Perron, je l’avertis, je passe tout de suite aux coups de poing sur la gueule.