BloguesJulien Day

Parlons hot-dogs avec Éric Duhaime

Salut Éric,

je sais pertinemment que je t’ai écrit il n’y a pas longtemps – rappelle-toi, les dinosaures et les changements climatiques, c’était moi – et je t’avoue honnêtement que je ne comptais pas le refaire de sitôt, mais encore une fois, tu ne me laisses pas le choix. Je vais donc, encore, te prendre par la main et discuter de hot-dogs avec toi.

Je sais, Éric, que je peux avoir l’air un brin condescendant en ce moment, j’en suis conscient et ça me chicote un peu moi aussi. Je me convaincs par contre du bien-fondé de la chose en observant ton comportement de cette semaine marquée par les tristes événements du Lac-Mégantic, comportement qui s’apparente à celui d’un gamin de la petite école qui aurait échappé son suçon par mégarde et qui se mettrait à accuser tout le monde au hasard, de ses camarades de classe aux garderies à 7$. Dans cette optique, je n’ai pas trop de remords à te prendre par la main et à t’expliquer les petites choses de la vie, Éric. C’est beaucoup plus mon devoir d’adulte responsable que de la condescendance, tu comprendras.

Tout d’abord, sache que j’ai toujours hésité à savoir si tu étais un genre de pantin à la solde des entreprises dont chaque tirade était calculée ou simplement nono. Cette semaine, tu as confirmé sans nul doute que tu étais définitivement un nono, et pas un petit, un nono qualité champion du monde. De quoi faire rougir les autres chroniqueurs de droite qui par un miracle sans nom, t’accordaient probablement encore un peu de crédibilité avant cette semaine.

Maintenant c’est moi qui me trouve un peu nono, d’avoir pu penser que tu étais une sorte de génie machiavélique qui avait trouvé une puissante façon de rallier les plus illettrés des « angry white men », mais bon, ça je vivrai avec.

Donc, Éric, après la catastrophe de Lac-Mégantic, la plupart d’entre nous y sommes allés de nos propres commentaires, parfois sous le coup de l’émotion ou de la frustration. Il s’en est dit, des choses. MMA a pris le gros de la mornifle, Harper y a un peu goûté et les plus à gauche aussi, pour des commentaires accusateurs parfois peu pertinents ou simplement lancés hâtivement.

Les causes exactes, on ne les connait toujours pas, bien qu’officiellement, on commence à avoir des indices. On parle de négligence, de mauvaise communication, de wagons à la limite de la désuétude, d’un chemin de fer mal entretenu et de possibles standards de sécurité déficients, c’est du moins ce qui revient le plus souvent.

Personnellement, Éric, j’y connais rien en matière ferroviaire, alors je vais t’avouer que je me contente d’assimiler le peu d’informations qu’on a à date et de ne pas trop m’emballer pour telle ou telle hypothèse, même si c’est difficile, considérant le contexte très émotif.

Toi, par contre, tu n’as parlé de rien de tout ça. En fait, tu t’es concentré sur deux choses depuis la catastrophe, à commencer par Amir Khadir, que tu n’aimes visiblement pas, au point où je commence à me demander s’il serait pas mieux pour ta santé mentale, après ces histoires d’agenda islamiste caché et tout le tralala, de ne juste pas te préoccuper du monsieur. Après tout, des gens ont été internés pour moins débile que ça.

Bref, tu as commencé ta semaine avec ce brillant commentaire, rappelle-toi:

« Amir Khadir s’amène aujourd’hui à Lac-Mégantic pour propager son parti-pris anti-pétrole et souligner que la tragédie peut servir de signal pour se conscientiser. QUELLE (sic) BEL OPPORTUNISTE SANS JUGEMENT CE KHADIR!!! Les corps n’ont même pas encore été retrouvés et déjà kamarade Khadir vomit son discours idéologique, en tentant de récupérer les dépouilles à des fins partisanes. Imaginez une seule seconde qu’un politicien de droite se pointe le bout du nez à quelques mètre de l’épicentre de l’explosion et accuse les opposants au renversement du pipeline ou à l’exploitation du gaz de schiste et ajouter qu’il espère que ça servira de réveil national sur l’importance de développer notre potentiel énergétique plutôt que de le transporter du Dakota… »

1. Tout d’abord, Éric, on dit « quel bel opportuniste » et non « quelle bel opportuniste ».
2. Des fautes d’accord, ça paraît plus quand c’est écrit en caps lock.
3. À ce que je sache, la seule personne qui a vomi son discours idéologique à date, c’est pas Khadir, c’est toi, dans une envolée qui reproche à Khadir de le faire.
4. Plusieurs personnes, entre autres de grands intellectuels et esprits scientifiques de notre monde, Éric, remettent en cause notre dépendance au pétrole, il va falloir que tu t’y fasses. D’accord, on ne connait pas les causes de l’accident à proprement dit et le timing des questionnements nécessaires après de telles tragédies est toujours délicat, mais une chose est sûre, et ça tu ne peux pas l’enlever à personne, c’était du pétrole que le train transportait.

Un hot-dog, Éric

Vraiment ?

Je récapitule, Amir Khadir se pointe à Lac-Mégantic en compagnie de bénévoles de Québec Solidaire, parti que tu as pleinement le droit de critiquer mais dont tu ne peux remettre en doute l’implication communautaire depuis plusieurs années. Tu es fâché qu’il y soit, parce que « kamarade Khadir », comme tu l’appelles respectueusement, est un gauchiste et tu crains la récupération politique. À la limite, on peut comprendre.

Mais là, bummer, la conduite de Khadir en tant que politicien est plus que décente et ses commentaires sur les possibles causes de l’accident et notre dépendance au pétrole très respectueux, loin des déclarations maladroites d’autres politiciens, autant à gauche qu’à droite, qu’on a pu entendre depuis quelques jours.

Là, Éric, c’est important que tu comprennes que t’aurais dû lâcher le morceau. Abandonner, tout simplement.

Parce que grimper aux rideaux parce qu’Amir Khadir a mangé un hot dog préparé par des bénévoles sur place, ou plutôt volé un hot dog aux sinistrés comme tu le dis, ce n’est pas juste cheap. Ce n’est même pas juste débile.

C’est le symptôme d’une grave psychose bien implantée dans un cerveau dépourvu de génie. Je m’excuse, c’est brutal, mais ces mots-là, je les ai pesés. C’est simplement la réalité.

Ton ami Ezra

Et dire que tu avais une chance en or de filer en douce sans la palme du plus con, hier, quand ton ami Ezra Levant, par l’entremise du brillant réseau Sun News, y allait de son hypothèse clownesque d’un attentat perpétré par « les anarcho-écologistes québécois ».

Tu étais sauvé, in extremis, par ton ami d’extrême-droite. Tu l’avais échappé belle, on pouvait le trouver plus nono que toi.

Et bien non, que tu t’es dit ce matin. Non seulement tu appuies « ton ami Ezra Levant », et là je te cite, dans sa théorie, mais en plus tu attribues des propos à la Sûreté du Québec que tu sembles être le seul à avoir entendu, c’est à dire, je te cite encore, que « plus on avance, plus on croit à l’hypothèse d’un acte criminel ».

Tiens fort ma main Éric, parce qu’ici, il y a des turbulences, nous allons analyser tes propos, y réfléchir. C’est bon, tu me tiens ? Allons-y.

Alors disons que c’est bel et bien un acte criminel, il faudrait analyser scrupuleusement la situation avant de nommer publiquement de potentiels coupables, on s’entend ? Tu ne l’as évidemment pas fait, mais je suis prêt à te donner le bénéfice du doute, Éric. Regardons du côté des « anarchos-écologistes ».

Il n’y a qu’un seul scénario possible, considérant que les dommages environnementaux causés par l’explosion d’un train de pétrole, à proximité d’un cours d’eau par surcroît, vont directement à l’encontre du but ultime des écologistes, en l’occurrence celui où ces anarchistes écolos auraient provoqué une telle catastrophe avec la ferme conviction qu’un tel acte forcerait le gouvernement et les entreprises à cesser, diminuer ou remettre en cause l’exploitation et le transport du pétrole.

Ne trouves-tu pas que tu commences un peu à sonner comme ces gens, que tu détestes d’ailleurs, qui accusent le gouvernement américain d’avoir planifié les attentats du 11 septembre pour créer un sentiment de panique ? Ou ces hurluberlus conspirationnistes que tu avais, avec raison, trucidé après les attentats du Marathon de Boston ?

Encore là, ces hurluberlus, Éric, ils ont le mérite de nous expliquer les rouages de leur psychose avec des dessins, des vidéos, des témoignages et des textes. Toi tu en n’as même pas besoin! Te rends-tu compte à quel point on est rendu profondément dans le nono, Éric ? Qualité champion du monde, que je disais. Et il y en a beaucoup des nonos dans ce bas monde, Éric.

On parle d’un exploit ici.

Amicalement Éric, je te conseille d’appuyer sur les freins, parce que là tu es rendu à faire peur aux autres nonos, et ils finiront tous par se dissocier… Tu ne veux pas ça. C’est bien connu, la force des nonos, avant leur nombre, c’est leur unité, et là tu es en train de la briser.

Et on parle aussi d’un exploit, ici.