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Les Québecois allergiques à la réussite… Vraiment?

Il y a quelques semaines, la tête de turc universelle qu’est devenue notre compatriote Justin Bieber commettait une (autre) grave erreur de jugement – ou était-ce seulement un manque élémentaire de culture générale doublée d’une maladresse typique aux enfants-stars – en posant, tête inclinée et casquette à palette drette vissée sur la tête, devant le sanctuaire Yasukuni de Tokyo, que Chinois et Coréens méprisent, le considérant comme un symbole de l’oppression militaire nippone pendant la 2e Guerre Mondiale.

Justin Bieber, étant le roi incontesté des médias sociaux, déclencha alors une désormais habituelle confrontation internationale entre Beliebers (ses très nombreux fans) et le reste de la planète ayant accès à un ordinateur et une connexion internet.

Au coeur de ce nouveau chapitre de la guerre médiatico-sociale sans merci dans laquelle la jeune rockstar est engagée depuis quelques lunes déjà, un argument récurrent: les détracteurs du nouveau Roi de la Pop seraient simplement jaloux. Plusieurs allaient même jusqu’à affirmer que toute cette haine dont il est victime n’était due qu’à une seule chose: la haine des gens qui réussissent qui est inévitablement motivée par une forme insidieuse de jalousie.

« Mais quel rapport avec le titre de ton article, dude, WTF? » me demanderez-vous.

C’est que soudainement, mes repères culturels s’en trouvaient brutalement ébranlés.

La haine des gens qui réussissent ce n’était pas – au même titre que « ne pas aimer la chicane » – typiquement québécois? Aurions-nous fini par contaminer nos alliés du G20 et faire d’eux des êtres rongés par la réussite d’autrui et par la jalousie?

Vous aurez compris que ce ne sont pas de vraies questions. Bien que je puisse concevoir qu’avant la révolution tranquille, les Canadiens-Français n’avaient que très peu de chances de réussir (financièrement, du moins) face aux Canadiens-Anglais qui avaient mainmise sur le patronat, et qu’inévitablement il puisse rester des résidus de dédain systématique de la réussite financière chez certaines personnes ayant connu cette époque, je ne crois pas qu’on puisse généraliser aussi facilement, surtout à une époque où les nouvelles générations sont exposées à des télé-réalités promouvant talents individuels, entreprises « startups » et gosses de riches douchebags.

Pourtant, il est tout-à-fait habituel pour certains chroniqueurs courant à la rescousse de la cible du jour, de nous pitcher en pleine face que notre indignation du moment n’est due qu’à cette perfide forme de jalousie/complexe d’infériorité, que c’est « typiquement québécois ».

Prenons Richard Martineau, un des chroniqueurs vedettes de nos médias et un adepte du « on l’sait ben’ au Québec dès que tu réussis, blabla », se pourrait-il que s’il ne se passe pas une journée sur les réseaux sociaux sans qu’il se fasse enguirlander par plusieurs personnes sur Twitter (il s’en plaint souvent), ce ne soit pas à cause d’une quelconque jalousie ou haine de sa réussite, mais bien parce qu’il raconte trop souvent n’importe quoi dans un français quasi-pitoyable?

Et Jacques Villeneuve, si nous ne sommes plus capables de le blairer, serait-ce possible que son succès passé n’ait rien à y voir? Serait-ce possible que ce soit plutôt dû au fait qu’il est le plus intolérable des douchebags depuis des années?

Et Kaïn?

Si Pierre-Karl Péladeau  n’a pas l’appui systématique d’une bonne partie de la population, serait-ce possible que ce ne soit pas nécessairement à cause de son succès financier (et celui de son père)? Se pourrait-il que ce soit plutôt la faute de la façon dont il a traité les syndicats des employés de ses entreprises, le manque de rigueur typique à certains médias lui appartenant, ou simplement la convergence éhontée auxquels ils s’adonnent?

Et Georges St-Pierre, Céline Dion, Eugénie Bouchard et toutes ces autres stars qui brillent à l’international, rarement critiquées de quelconque façon, se pourrait-il qu’ils soient aimés de tous « malgré » leur succès, simplement parce qu’ils soient sympathiques, en plus?

Certains diront que ce n’est que lorsque nos vedettes réussissent à l’étranger que nous daignons les encenser, mais comment expliquer les déferlements réguliers de claques bien senties au cinéaste acclamé mondialement qu’est Xavier Dolan? Son arrogance? Peut-être. De l’homophobie? Peut-être. Une chose est sûre, « la règle » ne tient plus.

Et se pourrait-il que si les Américains n’aiment pas tous Donald Trump et que les Canadiens n’aiment pas tous Nickelback, ce ne soit pas strictement à cause de leur succès? Se pourrait-il qu’ils soient respectivement un gros con (riche, certes, mais surtout un con) et de bien piètres musiciens?

Finalement, je me le demande, est-ce que ceux « qu’on haït parce qu’ils ont réussi » ont vraiment réussi? Ils ont peut-être réussi financièrement, mais ont-ils échoué ailleurs?

Mais surtout, suis-je le seul à penser que ceux qui adhèrent à cette généralisation grossière cherchent souvent justification à leur propre médiocrité? Ou serait-ce simplement que leurs capacités analytiques ne leur permettent pas une compréhension plus adéquate de telle ou telle problématique?

Alors, chroniqueurs, chroniqueuses, opionieux, opinieuses, je vous le demande en toute bonne foi: pouvons-nous mettre au rancart, une bonne fois pour toutes, cette généralisation grossière érigée en vérité? S’il y a la plupart du temps de bonnes raisons à l’amour du public, sa hargne a aussi les siennes.

De toute façon, il y aura de quoi se réjouir de la disparition de ce mythe… puisqu’on le sait tous, les Québécois honnissent autant les gens qui réussissent qu’ils « n’aiment pas la chicane ».

Derp.