BloguesJulien Day

Accommoder la xénophobie, une émoticône frown à la fois

À l’heure qu’il est, vous avez fort probablement vu passer cette longue tirade d’une petite-madame-pas-toute-là qui (voir plus bas, sinon), lors d’une visite à la clinique dentaire de l’Université de Montréal, a piqué une SAINTE-colère (pun intended) contre l’étudiante voilée mandatée pour lui jouer dans la gueule. « Calice c’est une voilée » écrit-elle sur Facebook, en plein milieu de son palpitant récit.

Prétextant ses « valeurs », elle refuse de se faire traiter par « la voilée » en question.

Intervient ensuite celui qu’elle désigne comme le directeur du département, un certain Dr. Beaulieu, qui explique avec raison à la dame, probablement avec un mépris fort justifiable, que son attitude envers l’étudiante qui devait s’occuper de ses dents est inacceptable.

Brusquée dans ses convictions, celle qui se décrit comme une Québécoise « de souche » dans sa tirade insiste auprès du Dr. Beaulieu: ses valeurs lui empêchent de sentir bon de la bouche si c’est grâce à une Musulmane.

Ce dernier doit donc appeler « LE GRAND BOSS » (c’est comme cela qu’elle l’appelle dans son récit), le Dr. Phaneuf, qui lui explique que son attitude avec l’étudiante voilée n’avait pas sa place dans une université. Rien à faire, la dame n’en démord pas: » Cette petite crisse-là est allée se plaindre que j’ai demandé une autre personne »…

Sa longue tirade, publiée hier sur Facebook, se termine ainsi: « J’ai présentement le goût de pleurer et non de peine mais de colère. Mes droits sont bafoués. (…) Je voudrais que tout le Québec sache que les droits des québécois de souche sont fragiles à cause de la meute de l’islam… »

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Il serait évidemment facile de monter ce cas en épingle et de généraliser en parlant du « racisme des Québécois », mais cet exercice – qu’on reproche à certains médias dans des cas inversés (accommodements de minorités religieuses) – serait évidemment contre-productif et empreint de mauvaise foi…

Reste que quelque chose me fascine dans tout cela, et c’est la conviction la plus sincère du monde de la dame et ses supporteurs que ce qu’elle demande est légitime, et que le scandale ici, c’est qu’on lui ait refusé ce qu’elle considère comme un droit. Il est important de noter que le récit revendicateur de la dame a été relayé des centaines de fois par des gens qui partagent son indignation. Même la capture d’écran ayant pour but de dénoncer et humilier la combattante de « la meute de l’Islam » a été partagée à des fins d’avertissement contre l’envahisseur voilé.

Il me semble qu’on assiste ici à un nouveau phénomène, du moins à grande échelle, en l’occurrence une demande d’accommodement « de souche ». SVP docteur, accommodez ma xénophobie grimpante en plus de blanchir mes dents. Et devant ces centaines de personnes qui partagent l’indignation de la patiente, force est d’admettre qu’on ne peut parler de lubie isolée.

Entendons-nous, des nounounes et des nonos du genre, il y en a des « de souche », des « voilées » et des « kasher »… Et au final, ça ne devrait strictement rien changer à un débat important sur la laïcité ou aux convictions de qui que ce soit.

Par contre, on est en droit de s’inquiéter devant l’enthousiasme que provoque chez certains ce genre de revendications. Et surtout, on est en droit de se demander si les indignés habituels de l’accommodement religieux se lèveront pour dénoncer celui-ci sur Twitter ou en première page de leur journal. D’ailleurs, nombreuses étaient les suggestions venant de contacts de la dame d’envoyer son histoire à Mon Topo LCN, Denis Lévesque ou au courrier des lecteurs du Journal de Montréal…. Weird. (émoticône wink émoticône wink)

Car s’il y a un mot qu’on ne devrait pas avoir peur d’utiliser ici, c’est « intégrisme ». Cette mésaventure dentaire est celle d’une intégriste de souche.

Et elle ne semble pas seule.

 mad