BloguesJulien McEvoy

Concéder la victoire

Je ne crois pas à l’objectivité et cette conviction me coûte cher, souvent.

Commençons donc doucement.

Tout le monde a déjà entendu un retentissant «J’suis teeeeellement poche en maths». Qui, ici, n’a jamais eu droit à un «Moi, l’économie, j’trouve ça plate»? Trop souvent, ces clichés sonnent comme une bravade au lieu de sonner comme un aveu de faiblesse.

Ne pas aimer les chiffres, c’est cool depuis longtemps. Cool. Le mot est une espèce de coquille vide dont la seule fonction est d’appauvrir le langage, de tuer la curiosité dans l’œuf. Un vide qui caractérise trop de Québécois – dont j’en suis.

En repoussant quasi violemment notre devoir de s’intéresser à la chose économique, nous affaiblissons ce privilège nommé citoyenneté. Comme l’air que nous respirons, nous sommes nés avec ce privilège qui est devenu sale, un peu souillé, même.

Tous, par moment, nous accolons aux gens les étiquettes «de gauche», «de droite». Bien sagement, certains s’étiquettent même tout seul, sans aide. Un écologiste est à gauche, un entrepreneur, à droite. Un souhaite freiner le développement, l’autre souhaite l’accroître.

Des conclusions faciles et rassurantes qui sont non moins omniprésentes dans les médias, les chaumières, la rue. La facilité, ça vend. C’est cool, man.

Le gouffre sans fond qu’est la finance en 2012 n’intéresse personne ou presque. Les chiffres font peur et la tâche d’y porter attention semble souvent lourde. «C’est compliqué», répondrait Mark Zuckerberg.

Pendant que le 1% s’enrichit à vue d’œil, le 99% continue de ne pas s’intéresser aux chiffres. Qui peut m’expliquer pourquoi les puissants s’enrichissent alors que les fonds de pension disparaissent par magie?  D’où viennent les milliards de dollars virtuels transigés chaque jour sur les marchés boursiers? Quels sont les principes de l’émission de devise? La Fed, c’est quoi au juste?

En 2012, la gauche, c’est plus ou moins le 99%. Le reste, c’est du spin, d’la bullshit. Diviser pour régner, qu’ils disaient dans l’temps.

Ça fait longtemps que l’Assemblée Nationale du Québec est une garderie où les débats politiques goûtent la rhétorique bon marché.  La loi sur le financement des partis politiques permet aux puissants de s’acheter de l’influence et quand ce n’est pas eux qui s’imposent, c’est le crime organisé. De la belle compétition, n’est-ce pas M. Charest?

Un parti politique, ça coûte cher à faire rouler et les partis ont tellement besoin d’argent que seuls les ultra-riches et leur philosophie du profit peuvent les maintenir à flot. Au Québec, le 1%, c’est : la famille Saputo, la famille Desmarais, les frères Beaudoin (Bombardier), les Kruger,  les Péladeau, Pierre Duhaime (SNC-Lavalin), Céline et René, Guy Laliberté, Jean Coutu, Stephen Jarislowsky.

Un dernier? Charles Sirois, magnat des télécomms et bon ami du sauveur, François Legault.  Alors que deux puissants milliardaires se partagent déjà plus de la moitié du marché médiatique du Québec, un troisième est en voie de devenir l’éminence grise du prochain premier ministre.

On se serre les coudes et on se souhaite bonne chance?