Martin Bilodeau est probablement le critique de cinéma québécois que j'aime le mieux lire (ça se joue entre lui et Karl Filion). Or, sur certains points, ma vision du cinéma diffère grandement de la sienne. Par exemple, dans Le Devoir d'aujourd'hui, il écrit:
"Les critiques anglo-saxons aiment à qualifier certains films de «pédestres». Pour leur rythme lent, le plus souvent, mais aussi pour le faible degré de difficulté, en apparence du moins, de leur proposition. En dépit de qualités évidentes, Demain, premier long métrage de Maxime Giroux, mérite l'étiquette. (…)
D'autre part parce que le parti pris discret du cinéaste, en faveur d'une approche étirée, détachée et quasi contemplative du sujet, trahit un manque d'ambition et freine l'adhésion."
Personnellement, je n'adhère pas à cette conception qu'un film gagne nécessairement en valeur selon son "degré de difficulté" et que la qualité du travail d'un cinéaste doive nécessairement être jugé selon son "ambition". Un film difficile et ambitieux peut être raté malgré tout, tout comme un film aux ambitions plus modestes peut néanmoins faire une formidable utilisation du médium cinématographique. C'est le cas de Demain, l'excellent premier long métrage de Maxime Giroux.
Plus loin dans sa critique, Bilodeau écrit:
"Par-dessus tout, Demain, qui s'annonce dans les premières scènes comme un Looking for Mr Goodbar, maintient tout du long un certain sentiment de danger et d'appréhension, un peu comme l'a fait avec plus de doigté et de puissance Cristian Mungiu dans 4 mois 3 semaines et 2 jours."
Le film de Giroux est selon moi autant, sinon plus maîtrisé que celui de Mungiu. Mais contrairement à 4 mois 3 semaines et 2 jours, Demain n'est pas un film sur l'avortement se déroulant en Roumanie à l'époque du communisme, et perdrait donc en puissance… On n'y échappe pas: c'est la tyrannie du sujet.