M. Provencher,
On se suit mutuellement sur internet depuis quelques temps déjà, mais je crois que nos chemins ne se sont jamais croisés dans la vraie vie. Reste que je me souviens de l’espèce de sentiment d’accomplissement que j’ai ressenti quand j’ai reçu la notification m’annonçant que vous me suiviez désormais sur Twitter. Je me rappelle aussi du jour – quelque part entre secondaire 3 et 5, je présume – où je suis tombée sur une de vos critiques ciné. Concise, un peu cinglante, facile à lire mais très bien fouillée. Je voulais être comme vous.
Le monde des médias bouge, vous êtes maintenant aux affaires générales et, quant à moi, j’ai 24 ans et presque cinq ans d’expérience à mon C.V. Certains me diront que ce n’est pas assez pour critiquer votre travail et ils ont raison. Ce n’est pas non plus ce que je compte faire par la présente. J’ai trop de respect pour vous.
Je voulais simplement vous dire que votre dossier en deux parties sur la radio parlée à Québec m’a blessée. Vous avez écrit à propos du Fm93 (où j’ai eu du temps on air ces trois derniers étés), de Radio-Canada, de NRJ, de CHOI, des gros joueurs. C’était follement passionnant. Ce qui me blesse, toutefois, c’est que vous avez donné des lignes à CKIA et CKRL (où j’ai eu aussi des émissions) sans que CHYZ n’y soit jamais mentionné. Une radio créative, différente qui donne la parole aux jeunes animateurs qui ne trouvent pas leur place ailleurs dans le marché actuel de la radio à Québec.
Même si CHYZ compte pour des prunes (lire: n’existe pas) aux yeux de certains de mes pairs comme vous, je suis fière d’y avoir eu une quotidienne pendant près de 3 ans. D’y avoir donné une tribune pour Half Moon Run ou Les soeurs Boulay avant qu’ils ne percent, aux intervenants en arts visuels qui n’ont presque pas de couverture médiatique dans notre ville, aux jeunes metteurs en scène comme Maxime Robin qui présentaient leur première pièce à Premier Acte ou aux Treize, aux musiciens comme Disclosure ou The Seasons qui allaient jouer à la radio commerciale un an plus tard. Il y a un marché pour la musique émergente, locale et la pop alternative à Québec mais on l’oublie trop souvent.
À preuve: on m’aborde encore dans la rue pour me parler de Chéri(e) j’arrive (le plus souvent par des étrangers) à chaque semaine. Ils ne m’ont pas suivie aux autres stations, ils ne le savaient même pas. Le sentiment d’appartenance des auditeurs envers leur radio universitaire est fort, bien réel. Il va aussi au-delà de la tranche des 18-35. Je l’ai réalisé pour la première fois le jour où mon concierge m’avait demandé si c’était moi qui animait le retour au 94,3 quand j’étais allée jeter mes vidanges. Il devait être dans la cinquantaine et il écoutait mon émission tous les jours sans savoir à qu’il avait affaire à sa propre locataire.
Mais détrompez-vous, M. Provencher. Je ne demande pas davantage de reconnaissance, je ne suis plus une employée de CHYZ depuis un an et demi. Mais j’ai mal pour les artisans passionnés qui travaillent fort et avec professionnalisme en lisant mon Soleil ce matin. Ces salariés qui bossent pour une bouchée de pain ou bénévolement par pure passion, en accumulant les tâches de recherchistes, réalisateurs, animateurs, réceptionnistes, préposés à l’accueil, metteurs en ondes. Pourquoi le font-ils quand même? Parce qu’ils y croient à ce contrepoids hertziens-là dans une mer de radio poubelle.
Longue vie à CHYZ et aux college radios. Même si le monde journalistique les snobent, je sais que leur présence sur la bande FM est nécessaire.
P.S.: CHYZ est, depuis cet automne, redevenu le diffuseur officiel du football du Rouge et Or. Ils ont aussi obtenu (et ça c’est nouveau!) l’exclusivité de la diffusion des matchs des Remparts. C’est quand même big.
P.S. #2: MC Gilles, David Desjardins, Isabelle Porter et plusieurs autres y ont oeuvré à travers les années. Ça leur fait un pas pire Hall of Fame, je trouve