Je vous l’avoue d’emblée: c’est la probabilité de ne jamais revoir les Rolling Stones, à Québec ou ailleurs, qui m’amène sur les plaines d’Abraham ce soir parce que j’ai toujours été une « Beatles kind of person » et que Edward Sharpe and the Magnetic Zeros me tentait pas mal. (Surtout après mon entrevue avec le guitariste Christian Letts.)
Il y a aussi cette rumeur qui plane sur la ville, avec la tournée Zip Code qui s’achève chez nous. Ce concert pourrait être le dernier de Mick Jagger, Keith Richards et les autres. La probabilité d’un événement historique qui plane aura aussi pour effet de convaincre des dizaines de milliers de personnes. J’attends toujours les estimations officielles – qui risquent de donner le vertige.
Olivier Langevin arrive sur scène avec le percussionniste Jonathan Bigras, le batteur Pierre Fortin, Fred Fortin à la basse, François Lafontaine de feu Karkwa aux claviers et la choriste Karine Pion qui joue aussi des maracas. Enchaînant tour à tour Zulu (la pièce titre du plus récent album) et Dragon en début de parcours, Langevin prouvera à un nouveau public ses aptitudes indéniables de guitar hero. Développement de public? Oui m’sieur.
Ça rentre en tabarouette et le rythme (effréné) reste le même du début à la fin du set qui durera un peu plus de 35 minutes. Un coup de vent trop rapide mais qui décoiffe solide. On sent que le gars du Lac joue le show de sa vie et c’est grisant de vivre ça avec lui. (Vidéo via Instagram)
S’entame la deuxième partie du triple plateau avec les Pennsylvaniens de The Districts, un groupe à l’alignement hyper conventionnel (guitare mélodique, guitare rythmique, batterie, basse) qui débute ses chansons avec des intros courtes mais souvent planantes. On fait vite de remarquer leur attitude grunge, un bel exercice de style, surtout à cause de la voix plaignarde et la dégaine du chanteur Rob Grote. Leur rock au riffs un peu surf par bouts est certes un peu générique, mais ça reste bien fait et charmant pour n’importe quel directeur musical de College Radio nord-américaine. Ils auraient eu davantage leur place au Show de la rentrée de l’ULAVAL qu’en première partie des Stones. Une découverte sympa, sans plus.
Or, on se questionne un peu sur leur position au podium avec Galaxie (des stars locales avec des hits!) qui déplaçaient pas mal plus d’air une vingtaine de minutes avant. Et qui, de surcroît, n’ont laissé aucun temps mort.
Autant dire que les Stones ont galvanisé une foule toute entière et dès leur entrée en scène devant quelques fans hautement désagréables – parole de fille qui dû se frayer un chemin pour aller aux toilettes, une aventure périlleuse ponctuée par du chantage sexuel. Même si une collègue s’est fait traiter de pute et qu’une autre s’est fait cracher dessus de l’autre côté de la clôture, les déhanchements de Mick Jagger et le sourire de Keith Richards (qui s’avère un fort bon chanteur sur Happy) font vite de panser nos plaies comme si tout était oublié. (Vidéo via Instagram)
C’est une leçon de rock and roll, une classe de maître qu’écris-je, que les Rolling Stones ont donné ce soir. C’est un lieu commun mais ce n’est pas moins vrai: leur énergie, leur fougue, leur jeu et leur voix sont complètement surréalistes pour des septuagénaires – à l’exception de Ron Wood, 68 ans, « le roi de la poutine » pour reprendre les mots de Jagger qui ponctuait le spectacle d’interventions dans un français impeccable. Le seul qui semblait plus fatigué, c’est le doyen et batteur Charlie Watts.
Comme si ce n’était pas suffisant, le quatuor avait invité deux saxophonistes, deux claviéristes, deux choristes dont l’incroyable Lisa Fischer (telle que vue dans le documentaire 20 Feet from Stardom), un autre guitariste et un percussionniste caché dans l’ombre. Des arrangements qui, ça va de soi, ajoutent une bonne dose de groove et de la profondeur aux multiples succès comme Start Me Up, Honky Tonk Woman, Miss You (Jagger a sorti sa guitare pour celle-là!), Sympathy for the Devil, Brown Sugar et Satisfaction. Même une chorale (le Choeur des jeunes de Laval) et un joueur de cor français sont venus les rejoindre sur You Can’t Always Get What You Want.
Le moment fort selon moi? Lisa Fischer, probablement l’une des plus grandes « backup singer » du monde, bluffante, sensuelle et mise de l’avant sur Gimme Shelter. Frissons. (Vidéo via Twitter)
En tout, on a eu droit à une performance de feu qui aura duré plus de deux heures sans s’essouffler. Est-ce que je regrette mon choix? Absolument pas.