BloguesLa blogue de Catherine Genest

Pas en mon nom, Monsieur Labeaume

Refugees-Welcome

Je suis irritée, gênée. J’ai envie besoin de vous écrire que Monsieur Labeaume, mon maire que je défends assez souvent pour ses investissements en culture, ne parle pas en mon nom dans le dossier des réfugiés syriens. J’ai besoin de vous dire que les citoyens de ma ville ne sont pas tous des jambons xénophobes enclins aux amalgames douteux, malgré la banderole et l’infâme pétition qui a été mise en ligne par un informaticien de Québec.

Mes amis Montréalais croient souvent, à tort, que l’entièreté de la couronne Vieille Capitale penche et pense à droite. C’est faux: la circonscription de Québec a voté Libéral aux dernières élections, NPD à celles d’avant. À vrai dire, l’arrondissement de La Cité (lire: les quartiers centraux) n’ont pas élu un Conservateur depuis 1988. Les secteurs comme St-Roch, St-Jean-Baptiste, St-Sauveur et l’arrondissement historique (pour n’énumérer que ceux-là) ne font pas partie du Douchebagistan que vous vous imaginez. Notre façon de voter, au fédéral comme au provincial, est toutefois la seule preuve vraiment tangible de notre statut de village gaulois entouré de banlieues colorées en bleu foncé.

Ceci étant maintenant grossièrement clarifié, permettez-moi de revenir sur les récents propos de Régis Labeaume tels que reportés par ma collègue Valérie Gaudreau du Soleil.

 

« Si vous avez des orphelins, on va les prendre parce que ça va être ben, ben utile. »

« Les familles, ça fait moins peur au monde que des gars de 20 ans frustrés. »

 

Monsieur Labeaume semble oublier que ce sont « des gars de 20 ans frustrés », des jeunes hommes célibataires, qui ont peuplé le Québec et que son ancêtre en était probablement un. Il faudrait aussi lui expliquer qu’on ne magasine pas des êtres humains comme des vêtements au Simons. Et qu’entend-il par « utile »? Quelle « utilisation » souhaite-t-il faire d’enfants sans famille? Cette première citation me rend profondément mal à l’aise et perplexe.

Sensible à l’inquiétude qu’il dit sentir auprès « d’une grande partie de [ses] concitoyens » quant à l’accueil des réfugiés suites aux attentats de Paris, il a revu à la baisse le nombre de réfugiés syriens qui seront admis à Québec. Plus précisément: on parle de 800 au lieu de 1200.

Pourtant, les dossiers de ces aspirants citoyens labeaumiens sont déjà étudiés et analysés à la loupe par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Un premier filtrage est fait dans les camps de Turquie et de Jordanie par les gouvernements locaux pour départager combattants et civils. Ensuite, l’ONU fait subir une batterie de tests (comme le balayage de l’iris, par exemple) aux demandeurs d’asile pour s’assurer qu’ils ne sont pas impliqués dans une activité militaire ou terroriste quelconque.  Vient ensuite une troisième batch de vérifications perpétrés par le gouvernement canadien. Un long processus méticuleux qui devrait rassurer les plus sceptiques et qui est expliqué en détails dans cet article publié via radiocanada.ca

J’ai aussi lu à plusieurs endroits que le passeport syrien retrouvé près du corps d’un kamikaze à Paris, genre de deal breaker dans l’opinion publique, était un faux ou celui d’un soldat décédé bien avant. C’est du moins ce qu’une source proche de l’enquête a révélé à l’AFP.

Je comprends que Monsieur Labeaume ne veut pas brûler d’étape dans le processus d’accueil, surtout depuis les événements de vendredi dernier, mais il devrait tourner sa langue sept fois avant de s’emporter dans des déclarations impulsivement xénophobes et empreintes d’âgisme en ne tenant pas compte des procédures de sécurité déjà en place. Mes amis, filles et fils d’immigrants ou non, ressentent pour la plupart la même honte que moi ces jours-ci mais ne jouissent pas tous d’une plateforme d’expression comme la mienne. J’espère l’avoir utilisée à bon escient pour clamer l’ouverture des gens qui m’entourent même s’ils vivent à Québec, ville trop souvent dépeinte comme le paradis des rednecks.