BloguesLéa Clermont-Dion

Coming-out d’une étudiante à boutte

Définition de « solidarité » : du latin solidus, « qui forme une seule masse ». Relation entre personnes unies par un sentiment de communauté d’intérêts qui les pousse à se porter aide mutuelle.

Se lever tôt, prendre son café, ouvrir son ordinateur ; des leaders étudiants solides, une ministre marionnette, parfois un premier ministre arrogant, toujours des policiers, des étudiants manifestant, des journalistes… rarement même, des tout-nus.

Il y a aussi quelques droitistes, quelques gauchistes, quelques centristes, des parents, des artistes, des médecins, des vieux sages, des syndicalistes, des solidaires, des lucides, des libertariens, des anarchistes…

Il y a les lettres d’opinion, les memes, les statuts Facebook, les tweets, les hashtag, les caricatures, les forums, les messages dans le métro…

Il y a les couvertures du Journal de Montréal, du Devoir, de la Presse…Il y a les chroniqueurs, les éditorialistes, les spécialistes, les blogueurs, les commentateurs, les opinioneux, les sophistes, les généraliseux, les intellectuels, les érudits, les cancres, les ignares…

Il y a les carrés rouges, blancs et verts…

Il y a les débats de fonds, les faux-débats, les négos, les ententes de principes, les offres, les refus, le chantage, les solutions, les insultes, les contre-offres, les stratégies, l’impasse, l’ouverture, l’espoir, la déception, les demandes, les exigences, les commissions, les moratoires, les états généraux, les voltes-face, les démissions…

Il y a les coups de matraque, les gaz, les bombes fumigènes et lacrymogènes… les arrestations, les injonctions, les emprisonnements, les casiers criminels.

Il y a le « terrorisme » ? (Ah, ça, non.)

Il y a la SQ, le SPVM, les trucks, les camions, les autos, les gyrophares, le bruit, les sirènes, les slogans, les cris, les injures, la violence…

Il y a Maxence Valade et Francis Grenier qui ont perdu la vue d’un œil, il y a Alex Allard qui a été dans le coma.

Il y a les manifestations, la foule, le mécontentement.

Il y a cette cessation volontaire et collective afin de défendre des intérêts communs qu’on appelle « grève ».

Il y a 1000, 2000, 200 000 personnes à la rue.

Et la solidarité perdure. Mais le silence demeure.

***

Se lever tôt, ouvrir son ordinateur, prendre son café et subir perpétuellement ce mauvais jour de la marmotte qui finit toujours par un sentiment de déception.

Il y a l’écoeurantite aiguë face à ce gouvernement qui n’est pas en mesure de mettre fin à cette crise sociale. Le statu quo perdure dur comme fer. C’est inacceptable.

Et c’est difficile. Pour tout le monde. On en parle peu, très peu, on se veut des surhommes et des surfemmes, mais avouons-le, nous sommes fatigués. On ne veut pas s’avouer vaincus. Avec raison, nous ne sommes pas vaincus, seulement épuisés. Un peu, en tout cas.

Il y a ces réels surhommes et surfemmes qui tous les jours se rendent très tôt pour le piquetage, il y a ces organisateurs, ces étudiants de l’ombre, ces militants d’assos qui donnent tout leur jus. Ils sont tenaces les étudiants. Je les admire sérieusement. Et les porte-parole ? Nous leur devons un respect sans mot. Ils sont solides. Pas facile de négocier dans un contexte où le manque de moyens ancre une inégalité des forces obligatoire.

Je sais, il faut garder espoir. Ce qui est inspirant, c’est probablement cette force qu’on retrouve avec le nombre. Parce que la force du mouvement, c’est nous tous.

Alors que les cent jours de grève approchent, la crise qui touche le Québec nous donne une sérieuse leçon sur la démocratie. Démocratie ? Ou plutôt celle à laquelle on tente de croire, mais qui s’apparente ces jours-ci à un drôle de mirage.

J’ai un espoir parmi d’autres, celui que nous irons voter en masse aux prochaines élections générales. 58 % de participation en 2008, 78 % en 1998. Et si nous avions droit nous aussi à notre 80 % au prochain suffrage ? Nous avons une responsabilité, nous les étudiants, pour la suite des choses.

Je fantasme qu’en me levant demain matin, il y ait un moratoire sur la hausse des frais de scolarité et la tenue d’États généraux sur l’éducation supérieure. Chacun ses rêves, vous avez droit aux vôtres.

 ***

Ah, j’oubliais: il y a aussi les lois spéciales.