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Sophie Durocher, non, je ne laisserai pas tranquille Madame Ambrose.

Sophie Durocher, voici les propos que vous avez tenus dans le Journal de Montréal.

«Laissez tranquille Rona Ambrose!

Quand la ligne de parti force les politiciens à tous pencher du même côté, on leur tombe dessus. Mais quand il y a un vote libre où chaque membre du parlement vote selon sa conscience, peut-on respecter leur choix ?

Rona Ambrose se fait critiquer parce qu’elle, une femme, ministre de la Condition féminine, a osé voter en faveur de la motion 312 sur l’avortement hier. Elle a voté selon sa conscience, et qu’on soit d’accord ou pas avec elle, elle a le droit de voter du côté qui correspond à ses valeurs.

La Fédération des Femmes demande maintenant sa démission.

Il me semblait pourtant que tous les groupes féministes défendent le droit fondamental des femmes à faire leurs propres choix. Ça devrait aussi inclure, pour Rona Ambrose, le choix de voter selon ce que lui dicte sa conscience.»

 

Voilà pourquoi je ne laisserai pas tranquille Rona Ambrose.

 

1. Madame Ambrose est ministre de la Condition féminine du Canada.

Madame Ambrose n’est pas une citoyenne comme les autres. Elle représente les citoyens du Canada. Sa liberté de conscience, en tant qu’individu, a donc ses limites dans le cadre de ses fonctions. Effectivement, en tant que ministre, elle est redevable aux citoyens qui l’ont élue. Vous me direz que ce système représentatif donne la confiance au gouvernement qui peut prendre des choix. Certes, mais ce gouvernement se voit quand même dans l’obligation d’endosser des gestes qu’il défendrait devant ses citoyens. Or, Madame Ambrose défend une position qui n’entre pas dans les valeurs de plusieurs Canadiens. Il est donc normal d’avoir une réponse à ce geste, puisque n’oublions pas que Madame Ambrose est ministre de la Condition féminine. Elle représente donc, en quelque sorte, la vision du gouvernement à cet égard. Il est difficile d’accepter  ce geste, surtout dans le cadre de cette fonction qu’elle occupe.

2. Se laisser dicter par sa liberté de  conscience, mais brimer la liberté des autres?

La liberté de conscience de Madame Ambrose prime-t-elle sur la liberté de choisir des femmes canadiennes? Si nous endossons cette logique, cela voudrait dire que l’argument de la liberté individuelle prime sur toutes les autres? L’appui de la ministre de la Condition féminine implique nécessairement une prise de position politique. Or, chaque appui de plus à cette motion implique implicitement une volonté plus grande du gouvernement de défendre une telle proposition. Mais, si nous gardons la logique de liberté individuelle prônée par les conservateurs, ne serait-il pas plus cohérent d’appuyer la liberté de choisir des femmes?

3. Les regroupements de femmes peuvent s’exprimer !

Madame Durocher, si nous suivons votre logique de liberté d’expression, argument boiteux, il est tout à fait légitime de la part de la Fédération des femmes du Québec d’exiger la démission de la ministre de la Condition féminine qui vient donner son appui à une motion remettant en question un droit des femmes pour lequel elles se sont battues pendant des années?

4Le relativisme moral ou un faux-argument

L’argument de la liberté d’expression donne place à un simpliste relativisme moral  qui vient effriter un fondement même de d’idéal démocratique, celui-là même de débat. L’argument de «nous vivons dans une démocratie, nous avons tous droit à notre opinion» a pour effet de passer à côté de l’essentiel. Madame Durocher, la vraie question est la suivante: voulons-nous vraiment remettre en doute le droit à l’avortement? Voulons-nous revenir à un contrôle du corps de la part de l’État? Voulons-nous brimer la liberté de toutes les femmes de choisir?

Madame Durocher, laissez-moi vous poser une question? Êtes-vous vraiment féministe? Vous revendiquez vous encore de ce courant? Si la réponse à cette question est affirmative, laissez-moi vous dire une chose: défendre une femme qui appuie une motion promouvant un recul d’une société entière, particulièrement les femmes, ce n’est pas être féministe. C’est être anti-féministe. Pire, c’est appuyer une mesure anti-femmes. Le gouvernement de Madame Ambrose est anti-femmes, Sophie Durocher, le saviez-vous? Oui,  c’est son gouvernement qui a coupé 12 des 16 bureaux de Condition féminine Canada. C’est son gouvernement qui a jusqu’ici refusé catégoriquement de légiférer sur l’équité salariale et ce, malgré le rapport déposé en mai 2004 par le Groupe de travail sur l’équité salariale qui conclut que la Loi canadienne sur les droits de la personne est tout simplement inefficace. C’est son gouvernement qui a coupé le Programme de promotion de la femme (PPF) qui ne financera plus la recherche ni la défense des droits des femmes. C’est son gouvernement qui a coupé le International Planned Parenthood, cet organisme voué à aider les femmes des pays en voie de développement pour mieux planifier leur maternité.

Rona Ambrose, ministre de la Condition féminine, appuie la motion controversée qui vise à définir ce qu’est l’être humain en vertu du code criminel. Non, notre droit à l’avortement n’est pas un acquis, il faut se battre pour le conserver. La femme en moi est révoltée. Madame Ambrose  me donne toutes les raisons de croire que le féminisme est plus actuel que jamais. Et vous aussi d’ailleurs. C’est pour ces raisons, Sophie Durocher, que je ne la laisserai pas tranquille.