« La culture, devenue intégralement marchandise, doit aussi devenir la marchandise vedette de la société spectaculaire»
Guy Debord, La Société du Spectacle
L’espace public québécois est un lieu où la liberté d’expression est tangible. C’est un élément propre de la démocratie et nous pouvons en être fiers. Ce lieu de discussions nous permet ainsi de débattre, d’échanger, de construire une société. Les points de vue pluriels se font une lutte incessante pour tenter de trancher certains débats moraux dans notre société. Plusieurs groupes de pression cherchent même à influencer les choix de nos gouvernements. Notre société est d’une grande complexité, comme toutes les autres. La fragmentation de celle-ci, divisée par des débats moraux, intellectuels, en font sa richesse. Néanmoins, force est d’admettre que l’espace public québécois, bien qu’il soit totalement ouvert, laisse place, il me semble, à une vacuité intellectuelle flagrante. Le lieu de débats n’est pas parfait et il ne le sera jamais. Il ne faudrait pas tenter de le diriger arbitrairement. Certes. Peut-on quand même en faire une critique pour l’améliorer?
La réflexion que j’ai aujourd’hui émane de ce que représente l’hypermédiatisation à la Richard Martineau. Depuis que j’ai l’âge d’écouter la télévision, donc depuis que je suis une gamine, je vois, j’entends Richard Martineau partout, souvent, régulièrement. Cette bête médiatique possède une popularité indéniable. Mais, je me questionne sérieusement sur la pertinence de ce genre d’attention médiatique qu’on lui accorde et je m’inquiète sur l’état du débat public au Québec. Vous me direz qu’il suffit de ne plus s’intéresser à lui. Oui, mais ce cas m’intéresse, car il représente un élément plus structurel dans les médias actuels. J’oserais même dire un symptôme du domaine des communications. À la gauche comme à la droite.
Débattre sur quoi?
Je remarque cette tendance à débattre sur rien. Un reproche que nous pourrions faire à l’échange public, ce qui semble être très présent chez Martineau, c’est de discuter sur tout et n’importe quoi sans avoir fondé une recherche réelle et profonde. Il arrive certes de commettre des erreurs de contenu! C’est normal. Mais, on observe chez ce chroniqueur une volonté de simplification extrême, voire de niveler vers le bas le débat public. Ce phénomène est particulier et s’incarne dans une personnalité forte comme celle de Martineau. Il n’y a pas de logique parfaitement claire qui se détache de son discours sauf celle de faire sensations ou la polémique. Inspiré des présentateurs de Sun News? Je ne sais pas, mais je constate cette technique facile de faire passer son point de vue, celle qui serait attribuable à un bon sophiste.
N’est-ce pas là une caractéristique d’un système communicationnel qui nous oblige à produire une quantité énorme d’informations? Martineau cumule les tribunes au Québec: de Franchement Martineau, son émission diffusée à LCN, dans sa chronique au Journal de Montréal et son blogue, dans sa chronique à CHOI, dans son émission diffusée à Télé-Québec, les Francs-Tireurs. Difficile d’être pertinent quand on s’exprime énormément. Mais, plusieurs chroniqueurs l’ont fait toute leur vie. Pourquoi ce manque de nuance constant? À force de vouloir être partout, peut-on avoir une réflexion réellement de qualité? Ou est-ce une caractéristique propre au style de Martineau? Cette quête absolue de la popularité, de la gloire et du succès me laisse croire que la qualité est délaissée pour la quantité. Néanmoins, il demeure que cette hypermédiatisation de certains individus semblent nuire au débat public, à la qualité du débat du moins. On se suffit de soi-même comme autorité pour donner son opinion. Personne n’en est à l’abri! Évidemment. Le billet de blogue, par exemple, ne laisse pas toujours place à toutes les nuances qu’on voudrait. Entendons-nous, cette auto-suffisance peut se retrouver à la droite comme à la gauche de l’échiquier politique. Mais cet élément nous guette tous! Ce premier élément me semble fondamental dans le recette du chroniqueur vedette.
De la bipolarité du débat
Très souvent, on remarque qu’une bipolarité s’instaure graduellement dans l’espace public. Ce n’est pas une surprise pour personne. Les clans se radicalisent, à la droite comme à la gauche. Martineau y contribue en diabolisant l’image du gauchiste du plateau; ce bourgeois-bohème, artistico-hipster, écologiste, nationaleux. Comme si c’était l’ennemi à abattre. D’autre part, plus à gauche, on idéalise le stéréotype du white angry man de Québec, qui écoute CHOI, qui n’aime pas Montréal et sa clique, anti-féministe, etc. Et s’il existait des nuances de gris? Et si nous allions plus loin que les stéréotypes superficiels. Et si on débattait? Pour vrai. Encore une fois, je considère que cette facilité à tomber dans la généralisation n’est en rien bénéfique pour la discussion. Voilà un deuxième élément qui me semble fondamental dans la technique «Martineau». Rapidement, on se campe dans nos clans respectifs. J’en ai contre cette manière de faire, car elle se situe profondément dans la généralisation hâtive.
En définitive, je constate que Richard Martineau représente le symptôme d’une société qui a quelques difficultés avec des remises en questions sérieuses et plus approfondies. Ce polémiste m’apparaît être une figure de proue de ce que je constate comme une tendance dans les médias. Le chroniqueur vedette est admiré comme détesté. Mais, il demeure qu’une certaine partie de la société lui accorde une crédibilité. C’est ce que je trouve curieux à vrai dire. Pourquoi avons-nous cette tendance à glorifier le vide? N’est-ce pas là un problème plus profond que nous impose la machine médiatique motivée par la recherche de sensations, de profits et dépendante de la loi du marché?
J’ai toujours en tête ce film « La matrice » dans lequel les humains sont enfermés en permanence dans des cocons afin d’en tirer de l’électricité. Comme les humains ne peuvent survivent sans la dimension émotive de leur être, on leur injecte mentalement des programmes virtuels qu’ils prennent pour la réalité.
Dans notre société qui vénère le soi-disant rationnel, le succès et l’image, le déni de notre condition et des émotions qu’elle suscite produit de profondes carences. Il faut alors compenser. On ne se sent jamais si vrai et vivant que lorsque l’on est en colère ou rempli de haine. Pas étonnant qu’on associe ce genre de productions poubelles aux Young angry man. Mais vous avez raison de mentionner qu’il n’y a pas que cette frange de la population qui s’y abreuve.
Chris Hedges dans son livre L’empire de l’illusion aborde l’ aspect de cette culture spectacle en soulignant que « la culture se meurt au mains d’un empire qui cherche à tirer un maximum de profit de l’appauvrissement moral, intellectuel et économique de ses sujets » Triste de constat, n’est pas ?
J’ai en tête ce film « La matrice » dans lequel les humains sont enfermés en permanence dans des cocons afin d’en tirer de l’électricité. Comme les humains ne peuvent survivent sans l’aspect émotionnel de leur être, on leur injecte mentalement des programmes virtuels qu’ils prennent pour la réalité.
Dans notre société qui vénère le soi-disant rationnel, le succès et l’image, le déni de notre condition et des émotions qu’elle suscite produit de profondes carences. Il faut alors compenser. On ne se sent jamais si vrai et vivant que lorsque l’on est en colère ou rempli de haine. Pas étonnant qu’on associe ce genre de productions poubelles aux Young angry man. Mais vous avez raison de mentionner qu’il n’y a pas que cette frange de la population qui s’y abreuve.
Chris Hedges dans son livre L’empire de l’illusion aborde l’aspect de cette culture spectacle en soulignant que « la culture se meurt au mains d’un empire qui cherche à tirer un maximum de profit de l’appauvrissement moral, intellectuel et économique de ses sujets » Triste de constat, n’est pas ?
J’ai lu L’Empire de l’illusion. J’ai adoré. http://www.radio-canada.ca/emissions/plus_on_est_de_fous_plus_on_lit/2012-2013/chronique.asp?idChronique=233131 Je vous invite à lire la nouvelle traduction de Lux à cet égard, http://www.luxediteur.com/content/la-mort-de-l%C3%A9lite-progressiste Une autre excellente traduction de Nicolas Calvé.
Merci Léa, je vais certainement y jeter un oeil.
La meilleure chose que j’ai lu sur le Martineau est ici:
http://www.mauvaiseherbe.ca/2012/10/02/comprendre-martineau-1/
C’est excellent! Merci pour le lien.
Vous et Mauvaise Herbe cherchez à confronter R.M. à la morale ou la rationalité qu’il devrait avoir.
Mais il se fout de ces valeurs, c’est évident.
Alors…
Le priver de cette attention généreuse en l’ignorant, ce qui signifie ignorer les médias-poubelles que lui et d’autres clowns emplissent de leurs glapissements.
Bonjour Léa,
Je suis toujours ambivalente sur cette idée entre bon et mauvais débat. Je ne sais pas si nous réagissons bien et si nous comprenons réellement la situation. Le problème n’est certainement pas Richard Martineau. Il est en nous tous. Les travaux de Jean-Marc Ferry nous apprennent qu’il faut aller plus loin dans nos rapports avec l’autre et partir non plus que de la qualité de la relation, c’est-à-dire parce que tel être a telle qualité que je communique avec lui, mais que c’est dans la mesure où je communique avec tel être que je le respecte. J’ai la conviction qu’il faut s’appuyer fermement sur ce que l’on ne comprend pas, sur ce que l’on ne voit pas et que l’on ne pourra pas voir, qui fonde en quelque sorte la controverse nécessaire pour ne pas errer dans nos rapports avec l’autre et avec le monde. Seule la spontanéité des relations peut permettre de combattre la domination de l’homme sur l’homme. Ce n’est pas de moi, mais de Hannah Arendt. Il est inquiétant de voir comment nous rejetons la relation avec l’autre pour en espérer la qualité. Les notions de complexité et de pluralisme permettent peu d’analyser notre monde autrement que par le vide et le désespoir. Les hommes ne sont pas aussi enchainés que nous les imaginons. Mais ils se connaissent et reconnaissent trop peu. Ne serait-ce pas nous qui instituons la domination et le pouvoir avec l’autre en posant les bases d’un idéal moral?
Puisque que ce qu’on appelle “le public” n’existe pas et puisque le public n’est que la somme des individus qui le compose ; c’est donc un anti-concept et les conflits présumés ou implicites dans « l’Espace public québécois » impliquant Richard Martineau ou d’autre intérêts privés signifie que les intérêts de certaines personnes doivent être sacrifiés aux intérêts « des groupes » que vous tentez de victimiser.
Puisque le concept « d’espace public » est indéfinissable, son usage devient soumis à n’importe qu’elle bande ou groupuscule ayant la capacité de prétendre que « le public c’est moi » donc « l’espace public m’appartient » et d’assurer le maintien de cette prétention par le biais de l’autorité du gouvernement. (Comme on le voit maintenant avec les groupes étudiants et l’influence indue qu’ils ont auprès de certains élus)
Vous écrivez « Néanmoins, il demeure que cette hypermédiatisation de certains individus semblent nuire au débat public, à la qualité du débat du moins. » Pourquoi donc cette hypermédiatisation ? La réponse est simple parce que les québécois travaillent pour gagner leur vie et vivre leurs vies comme ils l’entendent. Si nombreux sont ceux qui trouvent de la valeur dans les émissions de Richard Martineau ou Sun News, ils ont le droit dépenser leurs argent ou leur temps libre à faire ce qu’ils ont envie de faire et écouter ceux qu’ils ont envie d’écouter. L’attention des auditeurs ou la fortune de LCN ou de Sun News n’a pas été volée a ceux qui comme vous ne les aiment pas ou à ceux qui trouvent qu’ils représentent la gloire du vide. Ils ne se mettent pas non plus en travers du chemin des groupes dont vous faites mention. De plus, ceux qui selon vous devraient avoir plus de place dans le débat ne manquent pas d’attention au Québec.
Quant à la soumission au marché, comme vous dites, cela n’existe pas, parce que c’est tout simplement une fiction gauchiste. Le marché n’a aucun pouvoir sur personne et il ne vous force pas à acheter quoi que ce soit. Jean Coutu ne vous force pas acheter votre rouge a lèvre dans un de ses magasins. La valeur du travail de Richard Martineau, LCN ou de Sun News est déterminée, dans un marché libre, par un seul principe: le consentement libre de leurs auditeurs qui sont prêt à échanger leur argent ou leur temps pour pouvoir écouter leurs éditoriaux, augmentant ainsi la valeur de ces chaines aux yeux de ceux voulant y promouvoir leurs produits ou services. C’est la définition morale de la loi de l’offre et la demande.
La prochaine fois, Monsieur Frédéric, je le dis en tout respect, moins de mots, plus de contenu de votre part serait certainement apprécié. Il y a tant à lire. C’est toujours fâchant pour un internaute de passer au travers un texte aussi fourbi d’affirmations et en ressortir les mains aussi vides.
Puisque que ce qu’on appelle “le public” n’existe pas et puisque le public n’est que la somme des individus qui le compose ; c’est donc un anti-concept et les conflits présumés ou implicites dans « l’Espace public québécois » impliquant Richard Martineau ou d’autre intérêts privés signifie que les intérêts de certaines personnes doivent être sacrifiés aux intérêts « des groupes » que vous tentez de victimiser.
Puisque le concept « d’espace public » est indéfinissable, son usage devient soumis à n’importe qu’elle bande ou groupuscule ayant la capacité de prétendre que « le public c’est moi » donc « l’espace public m’appartient » et d’assurer le maintien de cette prétention par le biais de l’autorité du gouvernement. (Comme on le voit maintenant avec les groupes étudiants et l’influence indue qu’ils ont auprès de certains élus)
Vous écrivez « Néanmoins, il demeure que cette hypermédiatisation de certains individus semblent nuire au débat public, à la qualité du débat du moins. » Pourquoi donc cette hypermédiatisation ? La réponse est simple parce que les québécois travaillent pour gagner leur vie et vivre leurs vies comme ils l’entendent. Si nombreux sont ceux qui trouvent de la valeur dans les émissions de Richard Martineau ou Sun News, ils ont le droit dépenser leurs argent ou leur temps libre à faire ce qu’ils ont envie de faire et écouter ceux qu’ils ont envie d’écouter. L’attention des auditeurs ou la fortune de LCN ou de Sun News n’a pas été volée a ceux qui comme vous ne les aiment pas ou à ceux qui trouvent qu’ils représentent la gloire du vide. Ils ne se mettent pas non plus en travers du chemin des groupes dont vous faites mention. De plus, ceux qui selon vous devraient avoir plus de place dans le débat ne manquent pas d’attention au Québec.
Quant à la soumission au marché, comme vous dites, cela n’existe pas, parce que c’est tout simplement une fiction gauchiste. Le marché n’a aucun pouvoir sur personne et il ne vous force pas à acheter quoi que ce soit. Jean Coutu ne vous force pas acheter votre rouge a lèvre dans un de ses magasins. La valeur du travail de Richard Martineau, LCN ou de Sun News est déterminée, dans un marché libre, par un seul principe: le consentement libre de leurs auditeurs qui sont prêt à échanger leur argent ou leur temps pour pouvoir écouter leurs éditoriaux, augmentant ainsi la valeur de ces chaines aux yeux de ceux voulant y promouvoir leurs produits ou services. C’est la définition morale de la loi de l’offre et la demande.
J’ai publié deux fois le même commentaire par inadvertance. Veuillez m’en excuser. Merci