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Verglas 98, les plus longues vacances de Noël de notre vie.

C’est il y a 15 ans que débutait la tempête de verglas. LA tempête de verglas. Si vous êtes né dans les années 90, peut-être n’avez-vous pas beaucoup de souvenirs de cette tempête mémorable. Si, en revanche, vous êtes né dans les années 70 ou 80, vous étiez comme moi, en 98, juste assez vieux pour savoir mettre plein de couches de vêtements et juste assez jeune pour n’avoir aucune responsabilité. Bref, vous avez vécu la tempête de verglas comme les plus longues vacances de Noël de votre vie.

Oui, bien sûr, c’était une situation de crise. L’armée était dans les rues, ça devait être sérieux, mais beaucoup d’entre nous conservent somme toute un souvenir assez joyeux de cette période difficile et le sentiment d’avoir fait face ensemble à : « ah, il se passe quelque chose ».

J’aime bien quand il se passe quelque chose. Quand la nature nous demande de revoir notre train-train quotidien, que l’on est obligés de se souvenir de notre petite taille et de changer nos routes quadrillées pour en faire des lignes courbes.

Moi, j’allais à l’époque dans un collège privé français de Montréal. Un établissement qui, entre vous et moi, ne participait en rien à la tradition québécoise de se coller la face dans la radio pour savoir si ton école est fermée.

Si tu allais au Collège Marie de France, ton école n’était PAS fermée. Ton école était en territoire français (et l’est toujours) et  la France n’ayant qu’un petit climat tempéré de mauviette, quand Dame Nature québécoise faisait des siennes, on faisait ce que l’on a l’habitude de faire en France quand les femmes s’expriment, on l’ignorait.  (Haha ! Et paf !) Neige ou pas neige, on allait à l’école. Point.

SAUF ! Sauf cet hiver 98. Même le Corse mal engueulé qui me servait de directeur d’école avait dû rendre les armes. Ce coup-ci, à moins d’envoyer des hélicoptères nolisés à nos portes, il fallait se rendre à l’évidence: nous raterions l’école.

C’était tant mieux pour nous et tant pis pour lui, et d’autant plus une victoire que la tempête avait débutée, ô bonheur inespéré, un lundi 5 janvier, date prévue du retour en classes ! Date à laquelle, normalement, Gargamel se serait gargarisé de voir se corder ses Schtroumpfs en rang deux par deux et réjouit d’entendre sonner le glas de nos vacances de Noël.

Adieu repas des Fêtes, cadeaux, gâteaux et confiseries. Adieu temps libres, bols de céréales devant la télé, adieu Ciné-cadeau et Guerre des tuques, adieu journées en pyjama avec les frères et soeurs, adieu excès de clémentines et jeux de société… Place aux classes ternes, aux monologues interminables, à la froideur des néons, bref, place au retour à l’ordre.

Mais non, cette année-là, le changement de tableaux n’eût pas lieu. Le rideau ne tomba pas sur nos vacances, il resta coincé sous une épaisse couche de glace. Les vacances de Noël reprirent inopinément leur souffle et l’on vit  rosirent à nouveau les joues de ce corps voué à une mort certaine.

In-croy-able! Je me souviens des parties de corde à danser dans le sous-sol avec ma sœur où l’on portait  nos tuques, nos manteaux et nos bottes. Je me souviens des repas éclairés à la chandelle et de dormir emmitouflée sous plusieurs couches de couettes. Je me souviens des soirées entre amis chez ceux qui cuisinaient au gaz. Je me souviens du craquement des arbres glacés et de marcher dans le milieu de la rue pour éviter les branches qui s’échouaient au sol. Je me souviens du vert de l’armée dans le blanc de l’hiver, de la petite radio qu’écoutait mon père et surtout, je me souviens du sentiment de ne pas savoir quand tout cela allait finir.

D’être figée comme le reste, otage du moment présent et jouissant comme une imposteure de chaque minute qui se rajoutait gratuitement au calendrier de mes vacances de Noël.