Des bands de partout sur la planète, des gros, des petits, de plein de styles différents. Dans le fond, Envol et Macadam, c’est une sorte de gros buffet des continents où l’on peut s’empiffrer de pas mal de choses. Pour ma part, cette année, je ne me suis pas garoché dans tous les sens, mais j’ai sélectionné quelques morceaux de choix, comme de la bonne belette bien relevée et du gros boeuf de l’est. Du Screeching Weasel et du New York Hardcore.
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Après Ben Weasel, le déluge
Malgré les noms comme Less Than Jake et Sublime With Rome sur l’affiche, c’est principalement Screeching Weasel que j’attendais avec impatience cette année. C’est que la fameuse belette de Chicago sort rarement de son trou et elle se pointe en ville pour la première fois depuis sa naissance en 1986.
Screeching Weasel est un monstre du punk rock à 3 accords et son leader, Ben Weasel, est un compositeur de génie…mais aussi un artiste à la réputation de sphincter. Toujours plongé dans une controverse, l’antipathique personnage est vilipendé par plusieurs des 21 (!) anciens membres du groupe. Semblerait que le gars ne soit pas facile d’approche…Enfin, toujours est-il qu’Envol et Macadam a réussi le tour de force d’amener notre cher Ben en ville et y a du punks heureux au mètre carré sous l’autoroute Dufferin!
Dans une somptueuse chemise western (why not, coconut), Ben Weasel se pointe sur scène accompagné de ses acolytes (qui veulent bien l’endurer). Le regard sévère, il a l’air d’un type du sud qui va t’en sacrer une, mais il doit être dans un bon mood ce soir. Volubile, Weasel se laisse emporter dans des tirades sur la nouvelle musique, la calvitie et j’sais pu trop quoi d’autre. En fait, pour dire vrai, on n’entend pas grand chose; L’autoroute Dufferin a un look de squat rêvé pour un show punk, mais le béton, ça a pas une super acoustique…Par ailleurs, Weasel s’adonne aussi à une curieuse séance de selfies pendant une chanson. Tu nous niaises-tu, Ben?
En tout cas, sur le plancher, pas le temps de prendre des selfies; le monde est trop occupé à danser sur la tonne de succès enchaînés. Dans le lot, je retiens Science of Myth, Hey Suburbia, Joanie loves Johnny, Teenage Lobotomy (Ramones), Dingbat, My Right, Veronica Hates Me, Don’t Turn Out The Lights, My Brain Hurts, The First Day Of Summer, Guest List. Speed Of Mutation, Follow Your Leaders, Cindy’s On Methadone, This Ain’t Hawaii, Totally. What We Hate et Cool Kids (en finale).
Oui, j’en retiens beaucoup. C’est parce que j’ai du fun. Beaucoup. Et la foule aussi. D’ailleurs, à un moment, on lance même une brassière à Ben Weasel. Ça doit faire plus de bien que des cubes de glace…On dira ce qu’on veut de Ben Weasel, mais il demeure un grand. Un dieu même (tsé, il commence à pleuvoir des cordes au moment précis où la dernière chanson se termine, y a de quoi de surnaturel là-dedans).
Pluie, pas pluie, le festival se continue évidemment dans plusieurs bars, mais il y a aussi une marche pour dénoncer la mort d’un homme écrasé par une voiture de police plus tôt dans la semaine. Militer ou se péter la face, les deux grandes façons d’être punk. De mon côté, je retourne chez moi en m’obstinant avec une enième chauffeur de taxi raciste [soupir].
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Soulever la poussière
Le lendemain de l’assaut Screeching Weasel, j’apréhende un autre puissant coup, celui porté par 3 bands hardcore d’élite: Madball et Sick Of It All, deux légendes vivantes représentant le fameux New York Hardcore, et Get The Shot, le meilleur groupe du genre en province (au pays?).
En attendant l’impact, on se pointe tôt sur le site pour voir quelques groupes étrangers jouer. J’aime toujours voir comment on s’approprie des styles musicaux ailleurs, particulièrement en Asie. On attrape notamment le groupe hard rock japonais Wire Stripper qui aligne un guitar hero à l’enthousiasme débordant…d’un rocker japonais en Amérique.
À l’avant-scène, il y a même deux petites mamies toutes de beige vêtues qui tapent du pied à côté d’un métalleux. Une vision qui m’attendrit autant que le sucre à la crème de grand-maman! C’est justement l’une des forces du festival que de provoquer des rencontres inattendus entre les styles, pis jusqu’à un certain point, entre les générations. Bon, on n’espère quand même pas voir Sweet People en première partie d’Hatebreed, mais quand même, c’est une noble initiative!
Après les Wire Strippers, c’est au tour de Get The Shot de prendre la scène et là, les mamies gardent heureusement leur distance. Ce groupe de Québec est d’une rare intensité et un kata sur mémé, ça ne serait pas chic. Y a pas de compromis dans le hardcore et Get The Shot en est une démonstration incroyable. Le visage constamment crispé, comme une statue tiki en beau calisse, le chanteur est animé d’une telle rage qu’il embarque vite tout le monde dans sa catharsis.
Get The Shot fait vite soulever la poussière sur le plancher de danse et le soleil qui filtre à travers donne une dimension quasi divine à la scène. Mais revenons sur Terre, «There’s no God so wise the fuck up!», comme dira le chanteur. Amen.
L’onde de choc créee par Get The Shot est telle qu’elle se répercute même sur des monuments comme Madball, qui a l’ingrate tâcher de jouer après le groupe de Québec. La foule, encore peu nombreuse et probablement exténuée, peine à retourner toute l’énergie que le groupe de New York lui envoie. Le chanteur, bon joueur, s’en étonne: «J’espère que c’est parce que vous économisez vos forces pour Sick Of It All!». Néanmoins, Madball étant Madball, des hits, comme Pride en finale, finissent par soulèver la poussière à leur tour.
C’est plutôt les vétérans de Grade qui en prennent plein la gueule aujourd’hui. Après deux poids lourds comme Get The Shot et Madball, le groupe aux relents emo paraît bien mal et se retrouve à jouer devant une foule totalement indifférente. Mélanger des styles de musique, c’est bien, mais ça peut être cruel parfois…
Sick Of It All, pour leur part, n’ont jamais passé inaperçu et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer! Même après presque 30 ans de carrière, le groupe ne réduit pas la cadence et livre encore l’un des meilleurs shows de tout le milieu hardcore. En fait, je les suis depuis près de 15 ans et je ne les ai jamais vu donner une contre-performance. Aucun autre guitariste ne bouge aussi intensémment que Pete Koller. À ce niveau, c’est rendu carrément un sport! Faut le voir avant un spectacle, s’étirer et s’échauffer comme un athlète de MMA. Ce type a 47 ans? Euh, je peux voir ses cartes?
À l’inverse de bien des groupes de tough guys du New York Hardcore, Sick Of It All installe une franche camaraderie unique dans leurs spectacles. Mais détrompez-vous, c’est pas plus molo pour autant dans la fosse. Lou Koller, le chanteur, dira, avant le traditionnel wall of death qui précède Scratch The Surface. «Oubliez pas, si quelqu’un tombe, relevez-le, et si vous vous faites mal, svp, ne poursuivez pas Sick Of It All!».
Après la mythique Step Down en finale, je mouche du sable et je me considère comblé…et courbaturé. Besoin d’une pause, on sort souper en attendant le spectacle de Sublime with Rome.
À notre retour sur le site, on remarque que des volutes bleues remplacent les nuages de poussière de mosh pit. Ouais, on est dans un autre vibe! Néanmoins, les punks et les hardcore kids sont toujours sur place, se mélangeant avec les hippies et leurs variantes. Pourquoi pas. Après tout, Bad Brains mélangeaient bien le hardcore et le reggae!
La foule, qui a dû doubler depuis le début de la soirée, attend Sublime With Rome avec impatience et chante à plein poumons (résinés). Les fans capotent, le monde danse jusque dans la file des toilettes, mais à ce stade de la journée, le reggae (ou la fumée secondaire) me plonge dans un état second. Même des hits comme What I Got et Sentaria, en rappel, ne me sortent pas de ma torpeur. Rien à faire, je dors debout. Je file un peu cheap, mais je m’en vais me coucher. Je croise deux types crinqués noir qui insistent pour me faire des high fives. Je vous passe la puck, les gars!