Pauline Julien : Il fut un temps où l'on se voyait beaucoup, suivi de Lettres africaines et de Tombeau de Suzanne Guité
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Pauline Julien : Il fut un temps où l’on se voyait beaucoup, suivi de Lettres africaines et de Tombeau de Suzanne Guité

C’est le premier récit autobiographique de Pauline Julien, si on fait exception de son Népal: L’Échappée belle, dont le contenu tenait davantage du récit de voyage. Il fut un temps où l’on se voyait beaucoup recèle donc une vingtaine de tableaux, comme autant de fragments de journal; ils relatent, sans ordre chronologique précis, certains drames originels, les premiers succès en France, les amitiés féminines, les regards tendres et les moments tristes d’une femme dont la vie a débuté à Trois-Rivières, en 1928, pour se poursuivre à Montréal, Paris, North Hatley, Majorque, Sopot (Pologne)…

Le tout est suivi de Lettres africaines, publiées dans Châtelaine en 1993, mais reprises ici de façon plus exhaustive, ainsi que d’un texte d’adieu à l’artiste Suzanne Guité, assassinée au Mexique en 1981.

Le livre plaira sans contredit à ceux et celles pour qui Pauline Julien a été synonyme d’engagement politique et de pureté artistique, et qui connaissent par cour son cheminement: ses interprétations de Kurt Weill, Boris Vian et Gilles Vigneault, sa façon de donner la parole aux femmes et de défendre son pays. Ceux-là apprécieront le récit de son séjour à Niamey, en 1969, lors du deuxième Congrès de la francophonie, où elle avait coloré le discours de Gérard Pelletier d’un «Vive le Québec libre!», ou encore les moments impudiques où l’auteure décrit ses aventures amoureuses, révélatrices d’une passion sans bornes et d’un esprit étonnamment libre.

Mais les autres qui connaissent moins madame Julien resteront peut-être sur leur faim. Aucun mot sur les moments forts de sa carrière, Sur son triomphe artistique durant les années 70, par exemple, ou sur son travail de comédienne au théâtre ou dans La Mort d’un bûcheron. Rien non plus sur son arrestation lors de l’imposition des mesures de guerre, en 1970. Et si peu sur son legs artistique. Des phrases telle «J’ai voulu bâtir quelque chose avec mes chansons, les messages qu’elles transmettent… un château de cartes!» flottent dans l’air comme en suspens. Sur cet aspect capital de sa vie, on n’en saura pas davantage.

Par contre, tous seront émus, je crois, à la lecture des moments partagés avec Gérald Godin, le fidèle compagnon de route, et par Lettres africaines, qui relate le voyage de coopération de Pauline en Afrique, treize ans après la première défaite référendaire et quelque temps avant la seconde. Là-bas, avoue-t-elle, elle a chassé les «oiseaux noirs de l’angoisse», erré à la recherche d’une raison d’être, d’une tâche à accomplir, alors que, curieusement, durant des décennies, elle avait été essentielle à son pays. Troublant. Éd. Lanctôt, 1998, 166 p.