Julian Barnes : Outre-Manche
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Julian Barnes : Outre-Manche

La cohabitation moitié charmante, moitié orageuse entre Français et Anglais, ça nous connaît. Aussi pourra-t-on être particulièrement attiré par l’excellent premier recueil de nouvelles du romancier anglais Julian Barnes, toutes orientées vers ce thème-là: Outre-Manche.

Fils de deux professeurs de français, l’auteur, aujourd’hui âgé de 52 ans, aime dire que la France est son second pays, dont il maîtrise parfaitement la langue et connaît bien la culture. Diplômé en langues modernes d’Oxford, il a ouvré comme lexicographe pour le prestigieux Oxford English Dictionnary Supplement, et a été tour à tour critique de littérature, d’art, de télé et de restaurants dans divers journaux et revues d’Europe et des États-Unis, signant parfois d’un pseudonyme.

Son premier roman, Duffy, paru en 1980, fut d’ailleurs signé Dan Kavanagh (du nom de son épouse et agent littéraire, Pat Kavanagh); premier d’une série de quatre romans policiers. Mais on connaît plus particulièrement Julian Barnes pour ses romans et essais, dont Love, etc. (prix Femina étranger) et Le Perroquet de Flaubert (prix Médicis essai).

Tout ça pour dire que l’homme, qui possède aussi, apparemment, une fort prestigieuse cave à vins, une collection de casquettes et la plus grande table de billard du monde (dixit Olivier Le Naire, de L’Express, qui le rencontrait récemment dans sa grande maison du nord de Londres), semble avoir autant de lettres que d’intérêts.

Ses nouvelles sont donc tout à son image. Rappelant quelque chose de l’Anglais typique, qui aime bien s’en tenir aux faits, les fondre dans une architecture sophistiquée et les assaisonner de sa culture savante; mais dignes également d’un homme à la curiosité et à la sensibilité telles qu’on transcende vite, à le lire, le plancher des vaches. Ainsi l’exprime le personnage d’écrivain de l’une des plus amusantes nouvelles parmi les dix du recueil, qui toutes se situent en France (du XVIIIe siècle à nos jours): Gnosienne, dans laquelle un écrivain anglais, qui s’apprête par ailleurs à être entraîné dans une belle farce par le groupe Oulipo, raconte ses aléas avec un intervieweur français: «"Monsieur Clements, me demanda-t-il avec une sorte de familière autorité, le mythe et la réalité?" Je le regardai fixement pendant un bon moment, tout en sentant mon français s’évaporer et mon cerveau se dessécher. Finalement je fis la seule réponse que j’étais capable de faire, à savoir que de telles questions et leurs réponses appropriées venaient sans aucun doute naturellement aux intellectuels français, mais que puisque je n’étais qu’un romancier anglais pragmatique, il obtiendrait peut-être de moi une meilleure interview s’il abordait d’aussi vastes problèmes par le biais de sujets plus modestes et légers.»

Les différences les plus folkloriques entre Anglais et Français seront exposées – de la compétence sexuelle des uns et des autres à leur hygiène corporelle, à leurs pratiques religieuses, à la qualité de leur gazon -, mais c’est toujours la meute humaine qui sera, selon les humeurs de l’auteur, la plus cocasse, ou la plus grande perdante. Éd. Denoël, 1998, 247 p. Nouvelles traduites de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin.

On pourra en savoir davantage sur l’auteur en furetant à l’adresse Internet suivante: http://alexia.lis.uiuc.edu/~roberts/barnes/home.htm