André Truand : Une douzaine de beignes pour le sergent
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André Truand : Une douzaine de beignes pour le sergent

On a bien envie de commencer en se disant que c’est assez mal foutu, Une douzaine de beignes pour le sergent, comme titre de livre! Mais on est vite contraint à s’avouer que ça convient plutôt bien à ce premier roman d’André Truand, qui mise à la fois sur l’intrigue policière et sur l’humour. Un cocktail qui peut être explosif lorsque confié à un artificier de talent. Le problème, ici, c’est que le pétard est quelque peu mouillé.

Et c’est dommage parce que l’auteur, dans la jeune trentaine et qui, selon les notes de l’éditeur, a connu «une enfance sans histoire et une adolescence sans avenir», nous a tricoté serré un récit où s’enchevêtrent les possibles et les inimaginables, où rebondissent autant le prévisible que l’inattendu. Le tout habité par un troupeau de personnages, dont la véracité d’une minorité n’arrive malheureusement pas à la cheville de la facticité pittoresque, caricaturale, grotesque même, de la majorité.

En effet, si la petite meute d’ados est plutôt crédible, avec du relief, les flics et autres adultes sont assez imbuvables, plats: comme si de véritables personnages en 3-D vivaient dans un univers bidimensionnel; comme si des comédiens jouaient avec des cartoons. Quand la chimie opère, ça «cartonne», mais quand ça ne prend pas…

Pourquoi donc? Parce que ce roman n’arrive pas à se loger dans les trop nombreux créneaux qu’il veut investir. Est-ce une pièce de théâtre (les personnages sont énumérés au début, par ordre d’entrée en scène, et on nous présente la distribution d’un «vaudeville policier en trois actes»)? Est-ce un roman pour adolescents, alors que les lieux du crime sont circonscrits autour d’une école secondaire de Laval et que l’enquête d’un petit groupe d’étudiants avance plus vite que celle des flics (on se croirait parfois dans un épisode mixte des séries télé-jeunesse Les Intrépides VS Watatatow)? Est-ce un roman d’humour, et de quel humour s’agit-il (appeler un tandem de policiers «St-Pierre-Derôme», c’est du niveau de Symphorien, et il ne s’agit pas d’un cas isolé!)? Est-ce un roman policier macabre et noir où les cadavres s’accumulent dans une banlieue banale, où l’art du meurtrier est confronté à la science du détective?
A force d’essayer d’être tout ça, cette «douzaines de beignes…» finit par n’être rien de cela. Quand Truand choisira son camp, il pourrait nous surprendre. On donne la chance au coureur… Éd. Québec Amérique, 1998, 355 p.