Dilbert : L'immonde du travail
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Dilbert : L’immonde du travail

Ingénieur sans personnalité, col blanc sans envergure, Dilbert s’échappe de ses habituelles bandes dessinées pour donner son opinion sur les cadres ou l’an 2000. Avec plus ou moins de bonheur.

Dernière vedette des personnages de bande dessinée américaine, Dilbert est l’anti-héros par excellence des années 90. Ingénieur dans une grosse entreprise sclérosée par l’incompétence et la vacuité, il tente de survivre à la fois aux révolutions des théories de gestion et à l’ineptie des cadres de la boîte. Son seul refuge: l’informatique. Source intarissable de gags, le monde du travail revisité par Scott Adams connaît un succès prodigieux: on le publie dans près de 1700 journaux, dans sept pays.

Stimulé par un tel triomphe, l’auteur a ajouté une corde à son arc en 1995 en rédigeant un petit article pour le Wall Street Journal, Le Principe de Dilbert, principe qui se résume ainsi: «Les employés les plus incompétents sont systématiquement promus aux postes où ils se révèlent les moins dangereux: l’encadrement.» Vu l’accueil plus que favorable, Adams a poussé l’idée au maximum dans un bouquin du même nom où il s’amuse ferme aux dépens des cadres en décortiquant les mille et un travers de l’entreprise. Toujours railleur, parfois impertinent, il parodie les pratiques de gestion efficace, traitant des méthodes d’humiliation du personnel par l’usage du mobilier ou des moyens presque infaillibles de réparer une injustice par une autre. Adams se fait aussi cynique par moments, expliquant que «la seule critique constructive est celle que vous faites dans le dos des autres» ou attribuant un fort joli slogan aux professionnels du marketing: «Nous n’arnaquons pas le client. Nous nous contentons de le distraire pendant que le vendeur l’arnaque».

C’est léger et ça se lit comme du bonbon grâce aux nombreux strips de Dilbert qui sont insérés ici et là. Mais le bouquin aurait eu avantage à être plus concis, expurgé de ses longueurs et, il faut bien le dire, Adams ne fait qu’intellectualiser sa bande dessinée à succès.

Les mêmes défauts sont multipliés par dix dans Prophéties pour l’an 2000, le tout dernier ouvrage de Scott Adams, ce qui ne laisse plus beaucoup de place pour la rigolade. D’abord, ça sent le citron trop pressé: à court d’idées, il parle de tout et de rien, surtout de rien, malgré quelques bons gags à l’occasion. De surcroît, l’auteur perd complètement les pédales dans le dernier chapitre, se donnant des allures de gourou en dévoilant sa recette magique de succès et en mettant l’humour totalement de côté. Enfin, on finit par se lasser de le voir jouer la carte de la démagogie en flattant le lecteur dans le sens du poil.

Probablement déjà millionnaire, Adams n’est pas dans le besoin: inutile de vous payer la collection complète de son ouvre. Si les bandes dessinées ne vous suffisent pas, jetez votre dévolu sur Le Principe de Dilbert ou, en plus bref et en plus cynique, Dogbert-Méthodes pour diriger une entreprise. Et oubliez les prophéties.

Prophéties pour l’an 2000,
Le Principe de Dilbert
et Dogbert – Méthodes pour diriger une entreprise,
de Scott Adams