N'importe qui et moi aussi : Zoomba
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N’importe qui et moi aussi : Zoomba

Sur le toit d’un immeuble montréalais, six copains dans la vingtaine se rencontrent régulièrement pour oublier l’ordinaire de leur vie, baiser quand ça adonne, et écouter les litanies de Théo, prof de gym sur le B.S., qu’ils ont choisi pour être rien de moins que leur Dieu, incompréhensible et inoffensif. Un matin, celle qui nous raconte par ailleurs son histoire, Britt de son surnom, trouve à son arrivée sur le toit le cadavre d’un homme en décomposition. Quand la meute est rassemblée, on envoie immédiatement balancer le corps inconnu sur le sol, cinq étages plus bas.

Ainsi commence en trombe N’importe qui et moi aussi, premier roman, un peu polar, un peu introspectif, de Danielle Létourneau, alias Zoomba, dont l’écriture dans ces premières pages est plutôt séduisante: une conjugaison d’images et d’émotions crues, et une langue assez sale, bilingue et joualisée qui promettent un roman à tout le moins original. Mais la donne est fragile.

On ne pourra pas être impressionné, par exemple, par la narratrice qui, aussi particulière paraît-elle, n’est au fond qu’une version féminine du typique héros de polar: un gabarit ordinaire, voire ici plutôt petit, mais qui cache une force physique extraordinaire; un sens de l’humour et de la repartie qui ne semble jamais faire défaut; une formidable résistance à l’alcool et à la dope; et un inépuisable appétit pour le cul. Et comme tout macho de roman qui se respecte, elle a bien sûr une faiblesse, qui participe à l’humaniser autant qu’à lui attirer parfois quelques ennuis. Son araignée dans le plafond: la peur de la mort.

Conjuguant les angoisses de la narratrice et le mystère de l’inconnu venu mourir sur le toit, l’histoire se mettra à tanguer, dans une langue de plus en plus dégénérée, entre le questionnement existentiel et l’enquête policière. Une cohabitation polie et molle, comme si l’un et l’autre refusaient de s’imposer, voués de toute façon à être éclipsés par l’amour, en dernier lieu le sujet principal du roman, mais pas davantage convaincant. Lanctôt éditeur, 1998, 226 p.