Paysages d'hier, paysages de demain : Paysages d'hier, paysages de demainDe David Guterson
Livres

Paysages d’hier, paysages de demain : Paysages d’hier, paysages de demainDe David Guterson

Avant d’être révélé grâce à son roman La neige tombait sur les cèdres, qui fut un best-seller international, l’Américain David Guterson avait publié, en 1989, un recueil de nouvelles bien enraciné dans la tradition américaine: des récits initiatiques marqués par une forte présence de la nature – traitée quasiment comme un personnage – et par la faillite des rêves.

Majoritairement racontées au «je», les dix nouvelles de Paysages d’hier, paysages de demain (le titre français traduit bien les balises fondamentales du bouquin) mettent en scène des adolescents et de jeunes adultes qui font le douloureux apprentissage du monde; ou alors des adultes qui, des années plus tard, revisitent leur jeunesse sur le mode nostalgique, mesurant le passage fatal des ans. Tous des «êtres trahis par leurs rêves».

Empreints d’un fort sentiment de solitude, les récits mettent souvent au jour ces points de passage et de rupture où la vie bascule irrémédiablement, où les aspirations se brisent. C’est le début de la rébellion chez un jeune garçon élevé dans un environnement glacial, qui développe une fascination pour Les Piranhas – une métaphore peut-être un peu trop évidente, mais une histoire qui donne néanmoins froid dans le dos. C’est le contact avec la mort pour un jeune employé d’un centre d’accueil qui assiste, impuissant, à la déchéance d’un orgueilleux vieillard (la poignante nouvelle Le Vieux).

Histoires de chasse, de pêche, de carrière sportive étouffée dans l’ouf. Histoires de gars, donc, où la nature (les paysages du Nord-Ouest américain) parle souvent plus que les hommes. Pour le narrateur de Jardins d’Éden, la splendeur enfuie d’un jardin devient le symbole de son refus de l’amour et de l’échec de ses ambitions de joueur de base-ball. David Guterson a le don de révéler les émotions inexprimées à travers les lieux, ou les petits événements-clés: tout le massacre du Viet Nâm évoqué dans la mort absurde d’un oiseau (Retours), par exemple. Rien, peut-être, ne dit mieux l’ultime trahison de la vieillesse que le grand-père claudiquant de Jour d’ouverture, qui participe à grand-peine, et sans guère d’enthousiasme, à la rituelle partie de chasse, qu’on devine, dans son silence même, être sa dernière.

Bref, rien de très neuf sous le soleil de la littérature américaine, mais une plume sobre et forte, et une indéniable qualité de vérité marquent agréablement ces récits de la déception. Traduit de l’anglais par Claude et Jean Demanuelli, Éd. du Seuil, 1998, 206 p.