Junk
Livres

Junk

De Melvin Burgess

Il faut pas, c’est dangereux, tu ne gagneras pas. Les mises en garde habituelles des parents aident sans doute à empêcher, ou à retarder, dans le pire des cas, le moment où nos enfants se laisseront tenter par les drogues dures. Mais la litanie d’une mère ou d’un père, aussi bien intentionnés soient-ils, n’est pas nécessairement aussi percutante que l’exemple d’une vie brisée par la drogue.

En 1977, on s’en souviendra si on y était, paraissait Moi, Christiane F., droguée, prostituée, autobiographie coup-de-poing d’une jeune Berlinoise de 14 ans sur la voie express du suicide: un récit dont on ressortait ébranlé, mais plutôt décidé à s’en tenir désormais au pot et à la bière. Plus récemment, quoique dans un autre genre narratif, la cinéaste Anne-Claire Poirier montrait dans son film Tu as crié: Let Me Go! (dont un livre a subséquemment été tiré) les rouages de l’engrenage mortel dans lequel sa propre fille, héroïnomane et prostituée, devait être happée. Voilà maintenant un tout nouveau roman, sorti des presses de Gallimard Jeunesse, qui pourrait sensibiliser aussi habilement les ados d’aujourd’hui aux dangers de l’héroïne que l’a fait Christiane F. pour une autre génération. C’est Junk, de l’écrivain britannique Melvin Burgess.

L’auteur de livres pour enfants et adolescents, aujourd’hui âgé de 44 ans, a remporté plusieurs distinctions, dont le prix Carnegie des lycéens (décerné par un jury d’ados), pour ce cinquième roman, dans lequel il raconte la descente aux enfers d’un garçon et d’une fille de 14 ans ainsi que de leur entourage: des épisodes réels dont Burgess a lui-même été témoin ou qui lui ont été rapportés.

L’histoire, on la devine avant même d’ouvrir le livre. Deux ados, malheureux dans leur famille, s’enfuient l’un après l’autre: la fille, Gemma, a surtout soif de liberté, tandis que le garçon, David, ne voit aucune autre façon de rompre avec ses parents alcooliques. Ce sont des ados comme les autres: sympathiques, curieux, pas tout à fait sûrs de ce qu’ils sont, mais certains de ne pas vouloir marcher sur les traces de leurs parents, ces étranges qui condamnent la drogue mais se saoulent à longueur de jour, qui craignent les rumeurs mais ne cessent eux-mêmes d’en répandre.

Lorsqu’on voit Gemma et David se rejoindre dans un squat à 150 km de chez eux, faire l’amour pour la première fois, puis rencontrer des copains avec qui rire et rêver, on sait que les petits sont vraiment de bons petits, et que le scénario n’en dégénérera que plus brutalement. Du premier vol à l’étalage au premier shoot, à la première passe, à la première tentative de désintox, au premier mensonge, à la première overdose: trois ans et demi sur la pente raide qui seront narrés le plus souvent par Gemma et David (qui en profiteront, du coup, pour parler de leur enfance et de leur vision du monde), et parfois par des amis et connaissances du couple.

Quant à la fin, on la devinera aussi: difficile et incertaine. L’ultime preuve, manifeste tout au long du roman, que Burgess ne prend pas les ados pour des demeurés et que son rêve d’en sauver quelques-uns est authentique. Traduit de l’anglais par Laetitia Devaux, Gallimard Jeunesse, 1998, 317 p.