Richard Dubois : Intellectuel, Une identité incertaine
Livres

Richard Dubois : Intellectuel, Une identité incertaine

Cet opuscule de Richard Dubois a quelque chose de déchirant. D’une part (la meilleure…), Intellectuel, Une identité incertaine propose une réflexion des plus pertinentes sur l’identité de l’intellectuel dans la société québécoise.
On s’est longtemps demandé si on était culturellement d’Amérique ou de France: il faudrait commencer à admettre que nous sommes d’Amérique et de France – voire éventuellement un peu plus d’Amérique que de France: «Lectures mises à part, [l’intellectuel québécois] est beaucoup plus proche de son grand frère du Sud que de son "cousin" d’outre-Atlantique».

Il est temps, nous dit Dubois, que les intellectuels du continent découvrent enfin l’Amérique. Ce qui le conduit à conclure son ouvrage sur un paragraphe qu’on ne peut faire autrement que de citer presque en entier: l’«intellectuel québécois n’est pas un Français, c’est un Nord-Américain francophone. Tant pis pour lui s’il rêve encore de puiser ses inspirations dans une métropole bien morte, momifiée, mythique, où le débat et la diffusion des idées se faisaient dans les "caves", les sous-sols enfumés ou dans un journal de gauche vendu à la criée dans la rue Saint-André-des-Arts, ou portés par la voix d’un intello debout sur un tonneau fluo. Tant pis pour lui s’il croit que la Pensée au Québec se diffuse comme sur le Vieux Continent, à coups de pétitions, de manifs et de manifestes produits par des groupuscules, des clans ou des chapelles rassemblés autour d’une feuille ou d’une revue prestigieuse. Sur ce continent-ci, la pensée critique diffusée à l’ancienne ne constitue d’aucune manière l’ombre d’une menace. Il faut inventer autre chose.»

Mais voilà que, d’autre part, cette intéressante ouverture à l’américanité donne du même coup dans un nationalisme pour le moins étroit. En effet, on dirait bien que, pour Dubois, un intellectuel québécois serait par définition un nationaliste. Pire encore: un péquiste!

Lorsqu’on lit une phrase comme le «Parti québécois, seule force politique potentiellement contestataire et de la Fédération et du capitalisme», on n’y croit pas! On se dit que ça ne se peut pas! On relit tout le paragraphe en essayant de se convaincre qu’on n’a pas saisi l’ironie… Le PQ contre le capitalisme… C’est Landry qui ne sera pas content d’entendre ça. Et on découvre, quelques pages plus loin, une charge à fond de train contre ceux qui, pour ne pas être du bon bord, celui des «belle[s] tête[s] de Félix, de Vigneault ou de Fernand Dumont», sont nécessairement de celui de Cité libre et des Guy Bertrand, Dion, Galganov, Richler et compagnie.

Hors du PQ, point de salut. L’alternative politique n’est même plus celle du Oui ou du Non: c’est Oui ou rien! C’est ce qui fait d’Intellectuel, Une identité incertaine un ouvrage déchirant. Ou plutôt à déchirer: pour en garder les meilleures pages (qui sont par ailleurs les plus nombreuses), et jeter le reste… Éd. Fides, 1998, 81 p.