Claude Bolduc : Les Yeux troubles et autres contes de la lune noire
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Claude Bolduc : Les Yeux troubles et autres contes de la lune noire

\«Lorsque s’abat la Nuit sur l’âme humaine, nul n’est plus tout à fait ce qu’il était ni ce qu’il croyait être. Victime ou bourreau, chacun possède en soi le germe du Mal, prêt à jaillir et à se répandre de par le monde.» Cette phrase, volée au synopsis du recueil de nouvelles Les Yeux troubles et autres contes de la lune noire de Claude Bolduc, décrit à merveille la substance des huit textes.

Le premier, Rouge, enfantin, est un préambule inquiétant de ce qui nous attend, et nous rappelle que l’auteur, codirecteur de la collection Ado et coordonnateur des Éditions Vents d’Ouest, écrit aussi des romans d’épouvante pour les adolescents. Toutefois, ce recueil ne leur est pas destiné. Ainsi, grâce à son souci du détail (mais pas trop) et par sa façon de laisser ses personnages sombrer dans leur folie, Bolduc ménage ses effets jusqu’à l’issue de chaque histoire. Par exemple, dans Les Yeux troubles (publiée sous une forme légèrement différente dans Imagine, no 108, 1994), l’auteur traite de la convoitise. Louis, amateur de littérature fantastique, recherche une édition rare d’un livre de Sheridan Le Fanu. Écumant les librairies, il rencontre Dumas, un être mystérieux aux pouvoirs occultes. Étourdi de désir, autant pour le livre qu’il recherche que pour Dumas, Louis devient sa victime consentante.

L’Araignée dans le plafond aborde le sujet de la page blanche avec un humour caustique plutôt morbide. Pour ne pas déranger sa concentration fragile, Jean-Pierre s’est déniché l’appartement parfait, situé dans un quartier de vieillards, au dernier étage d’un immeuble. Il n’y a rien au-dessus, mais il entend des bruits «comme si l’équipe nationale de lutte gréco-romaine s’entraînait là-haut. Ou alors c’est plus discret, mais infiniment plus désagréable…» Combien de temps lui reste-t-il avant de sombrer?

L’auteur, établi à Hull depuis 1986, a pris soin de placer ses nouvelles, toutes aussi savoureuses, dans un ordre précis. Résultat: horreur, humour noir, scènes croustillantes – «…le plus dur, c’est quand il faut recoudre la peau à la base du cou, pour pas qu’elle se vide…» – et la perversion de certains personnages, qui arrive à son apogée dans le dernier récit, L’Heure de bébé. Une «heure» que personne ne souhaite connaître. A lire à la chandelle, aux abords d’un cimetière, sous le regard blême de la lune. Éd. Vents d’Ouest, coll. Rafales, 1998, 170 p.