Pierre Yergeau : La Recherche de l’histoire
Pierre Yergeau n’est pas un écrivain léger. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit lourd de la plume: il écrit dense, intense. Ses fictions sont des tourmentes d’émotions; aussi n’est-il pas étonnant que, troquant cette fois le récit contre l’essai, ce soit pour nous faire pénétrer au cour d’une tempête d’idées.
Dans La Recherche de l’histoire, Yergeau propose de voir dans toute entreprise d’écriture une démarche similaire à celle d’un détective privé, du genre qu’on retrouve dans les romans policiers. Confronté à une énigme, ce personnage a pour mission de reconstituer une histoire cohérente, qui donne du sens à ce qui n’est initialement qu’un fatras d’indices et de bribes de récit. De la même façon, l’écrivain est celui qui cherche à donner un début et une fin (une finalité, un sens…) à ce continuum sans queue ni tête que sont le temps et l’existence.
Mais voilà que cette hypothèse est présentée dans un ouvrage volontairement chaotique, constitué d’une accumulation désordonnée d’idées pas totalement développées, ponctuée de fragments de récits et d’esquisses de poèmes. Tout en discutant de ce que signifie, pour un écrivain, le fait d’être en quête d’une histoire, Yergeau semble être lui-même en train de chercher comment trouver un début et une fin dans ce désordre d’idées et d’impressions. Et l’on ne peut s’empêcher de supposer (voire d’espérer…) qu’il en tirera bientôt une nouvelle, un récit, une prochaine fiction.
On devine que la lecture de La Recherche de l’histoire n’est pas des plus faciles. Surtout que certaines des idées qu’on y discute tiennent de la haute voltige conceptuelle, comme lorsqu’on y lit, par exemple: «Notre difficulté à penser une histoire qui ne soit plus dépassement de l’histoire est corollaire à notre difficulté à nous situer hors de la modernité pour penser celle-ci.»
Afin de saisir dans quelle direction le mène cette Recherche de l’histoire, le lecteur doit, d’une certaine manière, faire un effort similaire à celui d’un détective privé – et donc identique, selon Yergeau, à celui de l’écrivain qui cherche à mettre un semblant d’ordre dans l’univers qui l’entoure. Finalement, La Recherche de l’histoire est une réflexion sur l’écriture qui conduit ses lecteurs à tâter, pour un moment, du dur métier de faiseur d’histoires. Éd. L’instant même, 1998, 114 p.