Du sel sur la peau : Louise Cartier
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Du sel sur la peau : Louise Cartier

«Le Mexique. Sa chaleur soudaine me saute à la gorge. Chaleur immédiate. Surprise exaltante. Un ravissement qui anesthésie ma peur que ce pays étranger nous soit fatal. Je veux danser avec Thomas et Julien, ici, tout de suite, sur la piste incendiée.» Sans doute ce passage du récit de Louise Cartier, Du sel sur la peau, contient-il tous les thèmes: l’étouffement, l’affolement des sens, le dépaysement, le plaisir, la mort. Cartier, traductrice, mère de trois enfants, en est à son premier roman, et a choisi un sujet périlleux: celui du partage d’un amour, d’une relation à trois, qui ne peut, en définitive, qu’être vouée à l’échec.

Bien sûr, il y a les débuts, excitants, amusants, où les trois personnages sentent que leur hardiesse provoque, fascine. Avec son mari, Julien, et leur amant, Thomas, la narratrice noue des liens complexes, qui ne se relâcheront pas tout au long de leur voyage au Mexique, à l’époque des fêtes de Noël. C’est à leur séjour particulier, dont l’étrangeté est accentuée par la frénésie des festivités, que nous convie l’auteure. D’abord consentante, complice des deux hommes, la narratrice sentira de plus en plus qu’elle garantit le droit à l’un de profiter de l’autre, mais ne joue pas vraiment un rôle à sa mesure. Car l’héroïne veut être aimée, chérie, et se retrouve plutôt seule, abandonnée à ses rêves.

Le thème du rêve, d’ailleurs, constitue un fil conducteur tout au long de l’histoire. Alors que la narratrice rappelle à son souvenir ce voyage au soleil, elle parle aussi du présent, par fragments, dans lesquels la pluie, le froid, la tristesse dessinent en creux l’éclat de cet heureux séjour. Après avoir exposé la difficulté des rapports amoureux (elle aime Thomas, qui ne l’aime pas, mais aime Julien) et sa solitude, la narratrice raconte également leurs moments de joie, leur fraternité, leurs célébrations, leurs moments de partage. Le roman rend bien cette tension entre les personnages féminin et masculins, entre l’amour et le rejet. Mais, alors qu’elle constitue un intérêt pour le récit, cette tension se transforme en un motif qui finit par lasser vers la moitié du roman. Ce va-et-vient de l’héroïne entre elle et les deux personnages masculins (et d’autres, secondaires), son incertitude, les jeux amoureux qu’elle aime, mais ne souhaite pas vraiment, tout ça finit par confondre le lecteur.

Il gronde pourtant dans le récit une fureur souterraine et un mal-être qui trouveront leur résolution dans les dernières lignes du roman. «Thomas sort le livre de poésie de son sac de plage et nous en lit des passages. Julien a posé sa tête sur les cuisses de Thomas. Puis il y a un long silence. Je me bouche les oreilles pour ne pas entendre la petite voix qui me crie de me méfier des sables mouvants.» Cette colère, comme un poids, confère une vérité au récit, et finit par toucher. Éd. du remue-ménage, 1998, 156 p.