Louise Simard : La Route de Parramatta
L’auteure a déjà publié Le Médaillon dérobé (éd. XYZ, 1996, prix France-Québec Jean-Hamelin 1996) et Laure Conan, la romancière aux rubans (éd. XYZ, 1995, prix Alfred-DesRochers 1995); elle a également donné La Très Noble Demoiselle (Éd. Libre Expression, 1992), sur la vie de Louise de Ramesay, roman qui lui a valu de figurer sur la liste des Prix du Gouverneur général. Bref, Louise Simard aime l’histoire et en a même fait le sujet de sa maîtrise qui traitait des rapports entre le roman et l’histoire.
Cette passion transparaît dans ce nouveau roman, ambitieux, qu’est La Route de Parramatta. A travers l’aventure tragique de trois personnages qui ont réellement existé (Étienne Langlois, 26 ans, cultivateur d’Acadie, Désiré Bourbonnais, 19 ans, apprenti-forgeron de Beauharnois, et Hippolyte Lanctot, 23 ans, notaire à Saint-Rémi), Simard raconte le destin insoupçonné de ces cinquante-huit Patriotes qui, en 1840, à la suite d’une insurrection, furent déportés par les autorités britanniques en Australie, dans un camp de prisonniers, plus précisément à Longbottom.
Nourrie de ses recherches sur le terrain (archives, documents officiels, examen des lieux, etc.), la romancière déroule savamment le fil de son histoire. Arrachés à leur famille et menés à la prison du Pied-du-Courant près du port de Montréal, les héros se retrouvent sur un bateau, convaincus que tout finira à Québec, que tout rentrera dans l’ordre… C’est après des semaines de maladie, de désespoir, de famine à bord du Buffalo qu’ils découvrent la chaleur et la luxuriance de l’Australie. De leur traversée à leur arrivée sur le nouveau continent, jusqu’à leur nouvelle vie, les détails historiques et les descriptions, souvent difficiles à supporter (maladies, violence, humiliations, Simard ne nous épargne rien), rendent pleine de vie et d’humanité cette fresque dont l’histoire officielle souvent ne garde que les grandes lignes.
Que signifie l’exil, au milieu du dix-neuvième siècle, alors que personne ne vous connaît, ne parle votre langue, ne vous rappelle à vos souvenirs? Le tout dans des conditions de détention atroces (dont on sait malheureusement qu’elles existent encore aujourd’hui, dans certains pays), et à une époque où les prisonniers n’ont aucun droit? Comment ces hommes, liés par leur destin, vivront-ils leur captivité? «Des fonctionnaires prennent soigneusement leurs mensurations. Le moindre tatouage, la plus petite cicatrice sont consignés. Les prisonniers ouvrent la bouche, écartent les jambes pendant que les inspecteurs, aussi délicats que des maquignons, les fouillent, les tripotent comme des animaux offerts aux enchères.»
Sur le plan de la psychologie des personnages, Simard a réussi le pari de les rendre attachants, crédibles, fascinants; ce faisant, elle nous donne espoir et colère, et nous rend captifs, nous aussi, de cette histoire qui finira pourtant bien.
La Route de Parramatta, écrit avec sensibilité, éveillera peut-être en chaque lecteur un peu de compassion pour les prisonniers d’aujourd’hui, et de curiosité pour notre passé.
Éd. Libre Expression, 1998, 504 p.