Alice Thomas Ellis : Un réveillon mortel
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Alice Thomas Ellis : Un réveillon mortel

C’est bientôt Noël, dans une île du bout du monde, quelque part en Écosse. Sauf qu’il y a longtemps, là-bas, qu’on boude tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin la pesante mainmise du christianisme sur la Grande-Bretagne. Alors pas de petit Jésus pour Noël, et pas davantage de dinde. Pas de cadeaux, pas de famille, pas d’amis. Ce sera Un réveillon mortel, de la romancière britannique Alice Thomas Ellis: l’histoire, à la croisée de la comédie humaine et du roman fantastique, de cinq touristes londoniens en mal d’exotisme en visite chez ces fort étranges insulaires pour la non-fête de Noël.

De son vrai nom Anna Haycraft, l’auteure de ce roman publié à l’origine en 1990, The Inn at the Edge of the World (prix du meilleur roman de la Guilde des écrivains britanniques), est née dans les années trente et a grandi dans un petit village côtier du pays de Galles qui ressemble sans doute à celui qu’elle décrit ici, peuplé d’habitants matériellement pauvres mais à l’imaginaire rempli de légendes et de superstitions. Après avoir signé pendant quelques années une chronique d’humeur sur la vie domestique dans le journal The Spectator, Alice Thomas Ellis se consacra à l’écriture: une autobiographie, un essai sur le catholicisme, et plus d’une douzaine de romans à ce jour, dont on a salué, chez elle comme en Amérique, l’intelligence et la causticité.

Voilà assurément la plume de quelqu’un qui sait peindre à grands traits ses semblables, et plutôt que d’user de quelques entourloupettes psychologisantes pour les décrire, elle laisse leurs actes ridicules parler d’eux-mêmes. Heureusement, car il y a ici beaucoup de monde sur scène. D’abord les cinq touristes: Jessica, belle et sympathique vedette de spots publicitaires; Jon, petit comédien prétentieux qui veut faire la peau de Jessica; Ronald, psychanalyste qui ne veut rien savoir des problèmes d’autrui (on ne peut pas mieux dire le parti pris d’anti-psychologisme de la romancière); Anita, vendeuse sans personnalité qui se cherche un mari; et Harry, militaire à la retraite qui revient sur l’île des années après qu’eurent péri dans les eaux du large, successivement, sa femme et son fils. D’autres personnages, d’égale importance, dont le propriétaire de l’auberge qui accueille les touristes, les divers insulaires qui fréquentent le bar, et les fantômes qui y reviennent(!), traverseront le roman, un peu fourre-tout, forcément, où Alice Thomas Ellis dit toutes sortes de choses. De la superficialité des gens qui ne croient en rien sinon leur propre importance, de l’instabilité maladive du couple, des gens qui n’ont d’autre principe que la bouteille et le cul.

Bref, du catholique humoristique. Après tout, c’est Noël. (Ceci dit, on pourra être mieux servi par le texte original, sûrement plus coulant que cette traduction, d’Élisabeth Motsch, où le désir de rendre l’intégralité des phrases est parfois terriblement évident.) Éd. de l’Olivier, 1998, 255 p.