Lucie Joubert : Le Carquois de velours
On s’interroge régulièrement sur le faible contingent de femmes à investir, encore aujourd’hui, le populaire champ de l’humour professionnel. Elles ont pourtant été nombreuses à recourir à l’arme de l’ironie en littérature, du moins dans les années 1960 à 1980, des décennies de prise de parole pour la moitié du genre humain. Dans Le Carquois de velours, Lucie Joubert, professeure à l’Université Queen’s qui étudie de près la question, dissèque minutieusement «l’ironie au féminin dans la littérature québécoise» de cette période.
Montrant les femmes sous un jour différent, plus agressif, cette «ironie de résistance» contre le discours dominant était une façon pour les auteures de remettre en cause un Pouvoir dont elles avaient été exclues. «L’ironie est puissante, car elle permet aux femmes, traditionnellement "objets" d’ironie, de renverser les règles du jeu et de devenir "sujets" ironisants (…). Arme masculine, l’ironie va servir aux femmes à poursuivre la quête de leur identité et à devenir "maîtresse" de leurs textes.»
Un travail fouillé, renforcé par le concours des théoriciens et soutenu par un luxe d’exemples. Cependant, dans la partie plus générique de l’essai, où Joubert explique les différents mécanismes ironiques mis à l’ouvre dans son corpus – constitué de quelque deux cents ouvrages – et détaille les cibles de l’ironie au féminin (l’Église, la médecine, l’éducation, la famille, les hommes… les représentants du Pouvoir), cette nomenclature devient un peu fastidieuse, d’autant que certains commentaires de l’auteure semblent parfois redondants, l’ironie de la phrase citée parlant fort bien d’elle-même.
Les amateurs de littérature québécoise trouveront peut-être davantage leur compte dans la dernière partie du bouquin, où Lucie Joubert analyse plus en profondeur, toujours sous l’angle de l’ironie, l’ouvre de quelques auteures à (re)découvrir: Claire de Lamirande, Michèle Mailhot, Madeleine Ferron, et Marie-Claire Blais, dans le versant moqueur de son ouvre, généralement peu mis de l’avant. Éd. l’Hexagone, 1998, 221 p.