Pierre Pelletier : L’Attentat
On dit souvent que, depuis la chute du mur de Berlin, le principal champ de bataille des écrivains de thrillers d’espionnage s’est pour ainsi dire évaporé. On a bien tenté d’aller du côté de l’Afrique du Sud, de l’Amérique centrale et de l’Iran-Irak, mais sans toutefois retrouver ce paradis perdu de l’époque de la guerre froide. Pourtant, ici même, au Québec et au Canada, nous sommes assis sur une mine d’or depuis des siècles.
Cependant, nos romanciers n’ont que peu abordé la question constitutionnelle sous l’angle de l’espionnage et du terrorisme politique. Si on n’a pas de tradition, il faut bien un début. Le premier roman de Pierre Pelletier, L’Attentat (qu’on aurait peut-être dû intituler «La Tentative»!), jette les bases de ce que pourrait devenir le roman d’espionnage canado-québécois.
Les ingrédients n’ont rien de secret pour quiconque suit la vie de notre politicaillerie nationale, surtout au lendemain d’une campagne électorale. Une branche fédéraliste, une racine souverainiste, le tout épicé de GRC, de SQ, ainsi que d’un groupe d’action clandestin, Le Baroud Gris, le tout sur fond d’histoires de famille.
Si, à première vue, L’Attentat a tout pour séduire, le roman sombre trop rapidement dans le manichéisme. Les bons, les méchants, le noir, le blanc (ou le rouge et le bleu); mais bien peu de nuances, de zones d’ombre.
C’est peut-être que le vieux rédacteur aux ambitions de jeune écrivain a les défauts de ses qualités. L’ex-publicitaire Pierre Pelletier, un des cofondateurs du groupe BCP, est aussi l’auteur de la série télé Jasmine. Et il a malheureusement conservé des tics des écritures publicitaire et télévisuelle. C’est bien beau, le sens de la formule et la chute qui tue pour vous amener au prochain épisode; mais ce n’est souvent que trop peu subtil.
Au cour de l’intrigue, située au début du 21e siècle, deux sours aux idéologies politiques diamétralement opposées: Geneviève Gallagher est première ministre péquiste, et Marie-Noëlle est chef de cabinet du premier ministre libéral à Ottawa. On veut bien croire que le monde est petit au Québec (n’a-t-on pas assisté aux luttes épiques entre Pierre-Marc et Daniel Johnson, par exemple), mais on ne peut qu’être sceptique face à la stupidité de certains hauts gradés de la police montée, ou devant les erreurs stratégiques des politiciens. Bref, Pelletier ne se gêne pas pour jeter de l’huile sur le feu afin de bien nourrir la flambée. Le roman n’en demeure pas moins un divertissement efficace, en autant qu’on se voile un peu l’intelligence pour ne pas trop voir les grosses ficelles qui pendent un peu partout… Éd. Québec/Amérique, 1998, 363 p.