Jours d’été
de Célyne Fortin
Peintre et poète, auteure d’une dizaine de recueils, depuis Femme fragmentée jusqu1aux Intrusions de l1|il (Éd. du Noroît, 1982 et 1993), Célyne Fortin publie un premier ouvrage en prose. Seize petites histoires, parfois insolites, toujours touchantes, composent ce recueil, Jours d1été. A travers ses explorations de différents moments amoureux, de passion ou de rupture, l1écrivaine nous fait entrer dans l1intimité des êtres et des choses. Récits apaisants de bords de mer, d1ateliers de peintre, de fuite, qui se terminent souvent dans la mort. Qui vient comme une libération. Contes du quotidien, des ans qui filent, de la nature qui sans cesse réconforte, met un baume sur les blessures.
Avec un style d1écriture sans aspérités, coulant et simple, qui, mine de rien, fait naître l1essentiel, avec l1économie des poètes, Célyne Fortin nous entraîne sur les pas de ses amoureuses en quête d1elles-mêmes. Celle qui voit l1amour de son homme s1étioler lentement, prévisible. Ou cette autre, femme de marin un jour, à qui la mer a arraché son homme le jour de ses noces et qui l1attend depuis des décennies, en se répétant: «Le temps du bonheur est si court, l1attente si longue.» Puis encore celle qui, après avoir quitté son mari, se retrouve sur une plage du Sud, à profiter du soleil, de son corps nu dans la mer, à la rencontre de qui un inconnu va venir, pour la libérer de son chagrin absolu.
Il y a dans ces histoires une sorte de fatalité, on n1échappe pas plus au bonheur qu1apporte l1amour quand il se présente, qu1à la déchirure lorsqu1il s1en va. Et chaque instant semble déjà contenir son contraire. Comme la vie contient aussi la mort. Ainsi de ces femmes, ce pourrait être la même, l1une assise dans son jardin, l1autre en vacances au bord de la mer. La première entend un bruit mat près d1elle: un oiseau vient de se frapper contre une vitre; elle le regarde agoniser, impuissante: «Ce n1est plus qu1une petite chose noire, chaude, calme. La vie a quitté un mainate qui avait pris une fenêtre pour un paysage.» L1autre, solitaire jusqu1à l1âme, a lié amitié avec un petit crabe des sables très peureux, qui lui sera enlevé par un oiseau affamé…
Dans le dernier récit de Jours d1été, la narratrice évoque les derniers instants de la vie de sa mère, qui enfin lui révèle le grave secret de sa naissance. Dans l1urgence de sa fin qui vient, la mère rompt son mutisme et devient volubile. La fille, émue et inquiète, fragile, peut enfin se réconcilier avec la réalité de la mort, du temps qui fuit et de la perte. Alors se produit le petit miracle que l1auteure a peut-être voulu souligner en mettant en exergue de son livre cette phrase de Geneviève Amyot, tirée de Petites Fins du monde: «La littérature est un truc absolument inouï.» Qui permet, entre autres, de tout assumer, souffrances, joies, questions sans réponses… Éd. de la Pleine Lune, 1998, 136 p.