La saga du Salon du livre de Québec : Le bluff québécois
Livres

La saga du Salon du livre de Québec : Le bluff québécois

Au terme d1une année pour le moins houleuse, le tout nouveau conseil d1administration du Salon du livre de Québec entend bien faire oublier la bisbille. Retour sur les événements et aperçu de l1avenir.

D A l1automne, le Salon!
D Non, non et non! Au printemps!
D A l1automne ou rien du tout, bon.
D Ben si c1est comme ça, moi je joue plus…

Sauf notre respect pour les forces en présence, il fut un temps où, de l1extérieur, la chamaille entourant le Salon du livre de Québec prenait les allures d1une guérilla de cour d1école. Chacun avait sa vision du salon idéal et les bandes rivales ne se faisaient pas de quartier. Mais n1éveillons pas les vieux démons, qui dorment d1un sommeil encore fragile. Réjouissons-nous plutôt du salon ressuscité qui ouvrira ses portes du 7 au 11 avril prochains.

Bref retour en arrière, tout de même, histoire de comprendre le pourquoi de la nouvelle formule. A l1heure du débat, les uns défendaient le salon automnal, tel que présenté en 1997. Pour eux, le concept avait fait ses preuves et la période, coïncidant avec la rentrée universitaire, permettait la tenue d1un événement parallèle d1envergure, soit la Foire en sciences humaines et sociales. L1idée d1un salon au printemps, alors que le monde universitaire entre en léthargie estivale, paraissait impensable. Il faut dire que cette foire avait fait l1un des attraits de l1édition 1997. Les autres protagonistes, sensibles aux souhaits des éditeurs, que la perspective d1un salon au printemps semblait ravir, proposaient de tenir le salon après l1hiver.

Le torchon a longtemps brûlé entre les deux camps. D1autant que certains éditeurs ont ajouté leur voix à la cacophonie, menaçant de boycotter l1événement si le projet printanier n1était pas retenu. Chantage? Sans doute en partie, n1empêche qu1il est délicat, pour les organisateurs d1un salon du livre, de se mettre à dos les joueurs majeurs de l1édition québécoise.

Madame Louise Beaudoin, alors ministre de la Culture, avait tout fait pour panser les plaies. Déterminée à ce que le Salon du livre de Québec survive, de préférence au printemps, elle avait lancé qu1elle le ferait elle-même, s1il le fallait. Au terme de discussions parfois orageuses, dont les médias ont largement assuré l1écho, l1équipe en place, dirigée par monsieur Denis Lebrun, a tiré sa révérence.

Au début de l1été, un comité de sélection a été mis sur pied afin de choisir une nouvelle équipe de direction, comité qui allait préférer le projet du groupe Lire sans frontières, présidé par madame Renée Hudon, à celui d1un autre promoteur, GroupEXPO. Sous l1égide ministérielle, l1organisation de l1événement pouvait enfin débuter.

Monsieur Philippe Sauvageau, le directeur général du Salon du livre édition 1999, nous assure que les préparatifs vont bon train. Chose certaine, les maisons d1édition accueillent favorablement le projet cautionné: «Nous avons rencontré les principaux éditeurs lors du Salon du livre de Montréal, et depuis, la location des stands va très bien. Une bonne partie des espaces ont déjà été réservés.» Pourquoi cet engouement des éditeurs pour un salon en avril? «A l1automne, les éditeurs sont très occupés. Ils doivent préparer le Salon du livre de Montréal, qui reste, de très loin, le plus gros salon au Québec. Il y a ensuite le Salon de Francfort, en Allemagne, auquel assistent plusieurs éditeurs québécois. Un grand salon au printemps leur permet d1avoir deux temps forts dans l1année.»

Autre bonne nouvelle: il est à peu près certain que la Réunion annuelle des écrivains du Québec, une réunion qui, règle générale, se tient à Montréal, aura cette fois-ci lieu dans la capitale, en même temps que le Salon.

Mais qu1advient-il du volet «sciences humaines et sociales», qui avait amené à Québec, l1an dernier, des personnalités de la trempe d1Ignacio Ramonet, Dominique Wolton ou Jean Daniel? «La Foire consistait à présenter des conférenciers et des tables rondes. Nous en aurons aussi, en nombre inférieur, mais nous en aurons. Un comité est chargé de l1élaboration du programme des conférences. Dans ce dossier, nous avons obtenu la collaboration de nombreux intervenants, dont les gens de l1Université Laval.»

A ce titre, nous sommes en droit de douter de l1alternative proposée. La Foire de 1997, relativement indépendante du Salon, avait polarisé l1intérêt de nombreux intellectuels et, grâce à une programmation somme toute accessible, l1intérêt de la population en général. Mais c1est connu, qui trop embrasse mal étreint. Il fallait trancher; c1est fait.

Le nouveau conseil, dès son arrivée à la barre du Salon, a voulu marquer le changement à sa manière. Aussi a-t-il élaboré un concept de Salon hors-les-murs, qui s1est déroulé du 2 au 8 novembre. Organisées dans des délais très courts (à peine un mois), les activités ont connu beaucoup de succès. En tout, une quarantaine de manifestations ont eu lieu dans seize établissements, animations à caractère littéraire, expositions, récitals, toujours dans le but de rapprocher le lecteur du libraire et d1assurer la promotion du livre tout au long de l1année.

Changement de capitaines et changement de cap, donc, au Salon du livre de Québec. Pour le meilleur ou pour le pire? Le temps sera bientôt venu de passer au salon, c1est alors et seulement alors que nous saurons si le groupe Lire sans frontières a bel et bien gagné la partie. Prochain épisode en avril.