Monique Bosco : Confiteor
Après une douzaine de romans et de recueils de nouvelles, incluant La Femme de Loth (1970), Éphémères (1993) et Le Jeu des sept familles (1995), des recueils de poèmes et du théâtre; après avoir reçu en 1996 le prix Athanase-David du Québec pour l’ensemble de son ouvre, Monique Bosco publie Confiteor. Ni roman, ni essai, ni autobiographie, ce petit livre hors norme tient un peu de tout ça. Intimité, impudeur: à l’automne de sa vie, sentant approcher la fin, la femme, l’écrivaine fait le bilan de ses lâchetés, de ses peurs, de ses abandons. Sa confession touche car tous et chacun avons à faire un jour ce travail de mémoire.
Regardant derrière, elle est prise par une sensation de vide, de trous dans la trame de son existence. Ce sentiment, c’est l’oubli de sa propre histoire, impression de dépossession dont elle s’attribue la responsabilité: «Oui, je sais, je pourrais sans doute me confesser de criminelle négligence, j’ai été paresseuse et lâche en ce qui concerne ma vie, je l’ai tant rêvée que je ne l’ai pas vraiment vécue, je me suis acharnée à des balivernes, en négligeant l’essentiel. (…) Je suis coupable de désordre, oui, on ne trouvera ni mes papiers ni mes tiroirs en ordre. Le sens des vraies valeurs me manque, m’a toujours manqué.»
Ce mea culpa prend une urgence aiguë alors que «la maladie de la mort» avance lentement vers elle. De son enfance – elle est née à Vienne, en Autriche – où elle revoit une fillette qui n’a rien de commun avec la femme qu’elle est devenue, de l’Europe en guerre à l’exil, le bilan lui paraît catastrophique. Sentant tard le désir de revendiquer ses origines juives, elle repense avec culpabilité à ses frères et sours pour lesquels elle ne s’est pas engagée alors qu’elle militait pour tant d’autres causes: «Je sais, aujourd’hui, qu’il est dur de se battre pour les siens alors que sans trop de courage on peut facilement partir en croisade dans le vaste monde des autres.»
Elle commente l’actualité, aberrante lorsque des millions de personnes pleurent la mort d’une princesse et qu’au même moment «les vrais crimes ensanglantent la terre», des «meurtres rituels en Algérie» à «tous les autres génocides», sans que l’on s’émeuve. Revenant à ses lâchetés personnelles, alors que désormais sa correspondance «consiste presque exclusivement à rédiger des lettres de condoléances», elle regrette ces proches que la vie lui a fait abandonner: «Sans doute qu’il aurait parfois suffi de presque rien – comme dans la chanson, un coup de téléphone, un petit bouquet, une carte de souhait – oui, presque rien mais qui réussit à maintenir des liens, un climat d’affection – mais la vie est souvent si dure et exigeante et le moindre effort paraît une montagne…»
Femme seule, sans enfants, qui a toujours refusé de s’engager, de «s’enliser» dans le mariage et la vie de famille, elle trouve réconfort dans les livres. De Rousseau à Proust, les écrivains, les ouvres marquantes balisent ses réflexions. Il y a bien un peu d’humour au passage, mais l’ensemble du livre de Monique Bosco est grave, il s’en dégage un parfum d’échec lourd à porter. L’authenticité de la voix, la sincérité de la mise à nu justifient cependant ce troublant Confiteor. Éd. Hurtubise HMH, 1998, 136 p.