Hergé : Les Aventures de Tintin au pays des Soviets
A l’occasion du soixante-dixième anniversaire du célèbre reporter belge, les éditions Casterman on réédité le mythique premier album d’Hergé, paru à l’origine dans les pages du journal bruxellois Le Petit Vingtième. A cette époque (1929), le grand maître de la ligne claire ne maîtrisait pas encore le style qui l’a rendu célèbre. Ainsi, les cent trente-huit planches qui composent cet album ont quelque chose d’un peu bâclé, mais Tintin et Milou avaient déjà pris forme, et on peut voir le style d’Hergé évoluer de la première à la dernière page. Quant au récit, il met en scène un Tintin à la force herculéenne (il met en déroute la presque totalité des forces soviétiques), qui se sert plus souvent de ses poings que de son esprit vif. Encouragé par un éditeur ultra-catho et privé de tout matériel documentaire, Hergé propose une vision absolument subjective et imaginaire de la vie en URSS. Mais en voulant dénoncer la propagande soviétique, l’auteur se fait encore plus propagandiste que les Soviets eux-mêmes et signe un scénario d’une naïveté et d’une condescendance à rendre inoffensif le controversé Tintin au Congo. Étant donné la valeur historique de cette bande dessinée, on aurait aimé voir une édition commentée, qui aurait permis de remettre l’ouvre dans son contexte, mais l’éditeur a simplement repris la version originale. Tellement originale, en fait, que c’est le seul album de toute la série à n’avoir jamais été repris en couleurs. On espère seulement que les lecteurs d’aujourd’hui le prendront avec le grain de sel nécessaire. Éd. Casterman, 1999, 142 p.