Kristjana Gunnars : Degré zéro
D’origine islandaise, l’écrivaine Kristjana Gunnars est installée au Canada depuis trois décennies. On lui doit notamment cinq recueils poétiques et quatre romans. Originellement publié en… 1991, Degré zéro est son second roman à être traduit en français aux éditions Leméac, après La Maraude, en 95.
Ce bref roman, qu’on soupçonne d’être autobiographique (truffé de références islandaises, en tout cas), plonge dans le processus de deuil d’une femme dont le monde s’est effrondré après la perte de son père adoré; dans cette douleureuse transition qu’on doit traverser après avoir atteint le fond, le «point zéro» de sa vie. «Un monde qui disparaît emporte avec lui tout ce que tu étais jusque-là. Ton passé s’efface en quelques minutes et tu ne le reconnais plus comme t’appartenant. (…) Tu es devenue autre.» Délestée de tout, la narratrice fuit, seule, jusqu’à la Porte de l’Ouest, dans les Prairies canadiennes, où elle reprend peu à peu contact avec la vie.
Ce récit sobre, pudique et presque serein, malgré la souffrance sous-jacente, a l’allure d’un carnet impressionniste, une accumulation de petits paragraphes, où alternent, selon le fil capricieux et éclairant de la mémoire, passé, proche et lointain, et présent. Entre les parties du récit de l’agonie paternelle, très digne, Degré zéro se réfugie dans des éléments simples, peu spectaculaires: la description de la nature, des réflexions concises, des réminiscences sensorielles de l’enfance, des moments où l’on frôle le trépas. Des images d’amour, de mort et de renaissance, des choses à la fois banales et fondamentales. A effeuiller lentement, pour goûter l’émotion discrète qui émane de cette ouvre dépouillée. Traduit de l’anglais par Anne Malena, Leméac, 1998, 106 p.