Maud Tabachnik : Lâchez les chiens!
Maud Tabachnik est née en 1938, à Paris. Elle a été ostéopathe avant de se faire connaître comme écrivaine. Elle a publié, à ce jour, huit polars (son plus récent, Fin de parcours, réunissait plutôt des «nouvelles noires»), dont Le Festin de l’araignée, et L’Étoile du temple, roman noir qui portait sur le moyen âge.
C’est à un tout autre moyen âge qu’elle s’attaque dans Lâchez les chiens (son huitième titre): celui de l’extrême droite, qui fait des ravages actuellement en France, et dans d’autres pays également, faut-il le rappeler.
Nous sommes dans le Sud-Est de la France. Un instituteur est assassiné – et l’auteure, féroce, ne nous épargne rien. Le meurtre fait suite au témoignage de cet instituteur dans une affaire de corruption qu’il aurait percée: témoin dans un jury, il a poussé ses pairs à durcir un jugement qu’il estimait trop clément pour le meurtrier d’un inspecteur des impôts. Tout ça a l’air un peu emberlificoté, mais retenons qu’une petite clique se serre les coudes pour protéger ses privilèges, et que ses membres (les habitants du village et des environs) n’aiment pas les intrus.
Lorsque l’héroïne du roman, une journaliste judiciaire, débarque de Paris pour faire enquête sur les lieux, elle ne sera pas particulièrement bien accueillie. Amie d’un jeune couple écolo, éleveurs de chèvres et parents d’un bébé dont la vie est menacée, elle tentera de percer les mystères et, surtout, les barrages humains qui l’empêchent de découvrir la vérité.
Tabachnik dénonce, dans ce polar presque politique, la corruption des foncti0nnaires, les accointances entre la police et le monde politique, la tradition des privilèges qui pèse lourd en France, l’esprit borné des gens de la campagne française (que l’on a souvent tendance à idéaliser), et surtout la mentalité xénophobe, conservatrice de la droite française.
L’auteure, dont une grande partie de la famille a été déportée dans les camps de la mort par les nazis, se livre à une véritable critique sociale de la France d’aujourd’hui. Elle démontre admirablement que la littérature peut aussi servir à faire la guerre aux abrutis qui trépignent de joie devant le spectacle de la violence, qui ne carburent qu’aux insultes.
Tabachnik a également situé d’autres romans aux États-Unis, et donné naissance à une héroïne, Sandra Kahn, (Un été pourri, Le Festin de l’araignée, Gémeaux, chez Viviane Hamy) et lancera prochainement L’Empreinte du nain qu’on dit faire suite aux Cercles de l’enfer (paru en mai 1998). Elle figure, en compagnie de Fred Vargas et de Brigitte Aubert, sur la liste des meilleurs «polariennes» françaises. Éd. Flammarion/Kiosque, 1998, 128 p.