Issabel de Qohosaten : Le mystère des origines
Avec Issabel de Qohosaten, FRANCINE PELLETIER boucle sa trilogie Le Sable et l’Acier. Retour aux sources d’un roman-fleuve.
Sur la planète Sarion, les terriens que nous sommes ne seraient pas dépaysés outre mesure. Touquertes, la ville où débute ce troisième chapitre, peut faire penser à n’importe quelle ville moyenne de notre monde; la Franchelande, avec ses vertes vallées peuplées de cultivateurs tranquilles, évoque aisément les berges d’une rivière terrienne; même l’armée, qui doit y faire respecter l’ordre, semble organisée selon la même hiérarchie que nos bonnes vieilles armées terrestres.
Les lecteurs de Francine Pelletier qui ont déjà lu Nelle de Vilvèq et Samiva de Frée connaîtront avec ce dernier volet le dénouement d’une histoire haute en couleur et comprendront mieux les liens étroits qui unissent la Terre et Sarion. Issabel de Qohosaten fournit en effet les clés d’un univers étonnant, où les civilisations entretiennent des rapports de filiation, même dans la distance interstellaire.
Lorsque Nelle, une ravissante terrienne, débarque sur Sarion en compagnie d’Ilario, son tuteur, le tandem fait l’objet de regards curieux. Chacun sait que des échanges commerciaux ont cours entre les deux planètes, pourtant extraordinairement éloignées l’une de l’autre – nous sommes à une ère où l’Homme voyage parmi les étoiles par des failles spatio-temporelles -, mais le séjour prolongé des visiteurs, dont les motivations demeurent mystérieuses, fait courir les rumeurs les plus folles.
Nelle jouit alors de la protection d’une milice basée à Touquertes. Le lieutenant Samiva de Frée, entre autres, veille sur la jeune femme, qui pourrait devenir la cible du mécontentement populaire envers les bonzes du commerce interplanétaire, ces derniers gardant jalousement le fruit de leur négoce. En bon soldat, Samiva joue les gardes du corps attentionnés, mais, au fond, elle ne demande pas mieux que d’en apprendre davantage au sujet de la Terre. Aussi ne sera-t-elle pas difficile à convaincre, quand on découvrira que des militaires fomentent un coup d’État et comptent capturer Nelle, de raccompagner celle-ci chez elle.
S’il est vrai que Sarion a pour nous les traits de paysages familiers, ce qu’est devenue la Terre étonne davantage. A la suite d’une période de conflits dévastateurs n’y subsistent que des ruines au milieu d’étendues désertiques. Les guerres de clans y déchirent les peuplades de survivants et la planète semble plongée en des temps primitifs.
Nelle et Samiva rencontreront, au terme d’un long périple, celle qui leur expliquera le pourquoi du monde actuel, Issabel Arvidane. La quête de chacune s’en trouve précisée, puis intimement liée à celle de l’autre. N’ont-elles pas le pouvoir de réconcilier deux mondes aux origines communes?
L’écriture de Francine Pelletier, sobre et efficace, nous repose des extravagances de style souvent rencontrées en science-fiction. La phrase, toujours précise, permet la composition réussie de lieux imaginaires. Et quand Samiva, narratrice jusqu’alors, cède la parole à Nelle en cours de roman, le glissement narratif se fait sans heurt puisqu’avec doigté. Dommage que cette jolie écriture ne serve souvent que la description d’actions et de paysages, qui relève d’une certaine mécanique et nous fait regretter les passages où la psychologie des personnages est plus approfondie.
Voilà un roman bien mené, qui ne réinvente en rien le genre mais qui a pour lui le rythme et la cohérence.
Issabel de Qohosaten
de Francine Pelletier
Alire
376 pages, 1998